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DU BUDDHISME INDIEN.

Le Brâhmane cherche à se défendre en racontant le mythe de l’origine des quatre castes, que la tradition fait naître de quatre parties du corps de Brahmâ ; et quand le Tchâṇḍâla lui a répondu, Puchkarasârin lui demande s’il est versé dans les sciences brahmaniques. Alors le roi Triçangku le satisfait sur ce point par une énumération détaillée des Vêdas, de leurs divisions, des sacrifices et des autres objets dont la connaissance est d’ordinaire réservée aux seuls Brâhmanes. Tout ce morceau est d’un grand intérêt, et il prouve que les Buddhistes n’ignoraient rien de ce qui faisait le fond de l’éducation indienne. Pour en tirer toutefois quelques conséquences historiques, il faudrait connaître exactement l’époque à laquelle il a été rédigé ; car s’il est postérieur aux événements qui ont forcé les Buddhistes de quitter l’Inde, il n’est plus étonnant qu’il renferme, touchant la littérature et les sciences brâhmaniques, des détails aussi variés et aussi précis.

Mais il ne s’agit pas en ce moment de rassembler les lumières que peut jeter sur cet objet particulier la légende dont je viens de faire quelques extraits ; il importe de montrer comment Çâkyamuni s’affranchissait des obstacles qu’élevaient devant lui les divisions de la société indienne partagée en castes hiérarchiquement distribuées. Son but avoué était de sauver les hommes des conditions misérables de l’existence qu’ils traînent en ce monde, et de les soustraire à la loi fatale de la transmigration. Il convenait que la pratique de la vertu assurait pour l’avenir à l’homme de bien le séjour du ciel et la jouissance d’une existence meilleure. Mais ce bonheur ne passait aux yeux de personne pour définitif : devenir Dieu, c’était renaître pour mourir un jour ; et c’est à la nécessité de la renaissance et de la mort qu’il fallait échapper pour jamais. Quant à la distinction des castes, elle était aux yeux de Çâkyamuni un accident de l’existence de l’homme ici-bas, accident qu’il reconnaissait, mais qui ne pouvait l’arrêter. Voilà pourquoi les castes paraissent dans tous les Sûtras et dans toutes les légendes que j’ai lues, comme un fait établi, contre lequel Çâkya ne fait pas une seule objection politique. Cela est si vrai, que quand un homme attaché au service d’un prince voulait embrasser la vie religieuse, Çâkya ne le recevait qu’après que le prince y avait donné son assentiment. Une légende de l’Avadâna çataka nous en fournit un exemple tout à fait caractéristique : « Va, ô Ânanda, dit Çâkya à son serviteur, et dis au roi Prasênadjit : Accorde-moi cet homme qui est à ton service ; je lui ferai embrasser la vie religieuse. Ânanda se rendit en conséquence au lieu où se trouvait Prasênadjit, roi du Kôçala ; et quand il fut arrivé, il lui parla ainsi au nom de Bhagavat : Accorde, seigneur, à Bhagavat la permission de recevoir cet homme dans la vie religieuse ! Quand le roi sut qu’il s’agissait de Bhavyarûpa,