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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

même état ; et c’est ainsi que s’expliquent ces expressions et d’autres semblables que l’on rencontre à tout instant dans les légendes du Népâl : « il obtint la récompense de tel et tel état. » Il y a donc, rigoureusement parlant, huit classes de personnages auxquels, selon les Barmans, convient le titre d’Ârya, bien que ces huit classes se réduisent au fond à quatre, que distinguent les titres que nous allons analyser. Tout cela, je le répète, est aussi vulgairement connu des Singhalais que des Népâlais : c’est le patrimoine commun des Buddhistes de tous les pays.

Les titres qui suivent, quoique aussi fréquemment employés par les rédacteurs des Sûtras et des légendes, ne sont pas au premier abord aussi faciles, et je n’en ai pu trouver jusqu’ici l’interprétation positive dans aucun texte du Népâl. Les ouvrages que je puis consulter en parlent comme de choses parfaitement connues et qui n’ont pas besoin d’explication. Ce n’est pas, en effet, traduire ces termes que de dire, comme font Judson et Clough dans leurs dictionnaires barman et singhalais : « Sotâpatti (forme pâlie du sanscrit, Çrôta âpattî), le premier état auquel parvient un Ârya, l’état d’un Ârya[1] ; et ainsi de Sakrid âgâmin qui est le second état, d’Anâgâmin qui est le troisième, et d’Arhat qui est le quatrième. Heureusement l’analyse de ces termes, rapprochée des explications tibétaine, chinoise et singhalaise, ne laisse aucun doute sur leur vrai sens.

Commençons par les Tibétains, qui sont les moins éloignés de la tradition népalaise. Le premier degré, celui de Çrôta âpatti, est représenté dans leurs versions par les mots rgyun-du jugs-pa, lesquels, d’après la forme grammaticale, désignent l’homme qui est parvenu à ce degré. Ce terme, qui se rencontre au commencement d’un recueil de légendes publiées et traduites avec beaucoup de soin par M. Schmidt[2], signifie selon ce savant : « l’homme entré dans la durée, » der in die Fortdauer Eingegangene[3]. Dans un autre passage l’état d’un tel homme est appelé : « l’entrée durable, perpétuelle, » die beständige Einkehr[4]. Enfin, dans un troisième, la récompense de cet état est nommée : « celle de ceux qui persistent constamment, » die Frucht der beständig Verbleibenden[5]. Ces diverses interprétations n’offrent pas un sens parfaitement clair ; M. Schmidt semble les avoir adoptées en considération des mots rgyun-

    à l’adjectif. Âpatti signifie acquisition, obtention ; c’est l’état. Âpanna signifie celui qui a obtenu, acquis ; c’est l’adjectif.

  1. Judson, Barman Diction., p. 400.
  2. Der Weise und der Thor, p. 44.
  3. Ibid., p. 51, note.
  4. Ibid., p. 54.
  5. Ibid., texte, p. 26, et trad., p. 31.