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DU BUDDHISME INDIEN.

S’étant appliqué, pendant cette nuit entière, à l’enseignement du Buddha, et ayant brisé tous ses liens, il acquit le rang suprême d’Arhat. Quand le jour fut venu, Tchaṇḍa girika lui dit : Religieux, la nuit est terminée ; le soleil vient de paraître ; voici le moment de ton supplice. Oui, lui répondit le Religieux ; elle est terminée la nuit qui met fin pour moi à une bien longue existence ; il est levé le soleil qui marque pour moi le moment de la suprême faveur ; fais donc comme tu voudras. Je ne te comprends pas, reprit Tchaṇḍa girika ; explique tes paroles. Alors le Religieux lui répondit [par ces stances] :

La redoutable nuit de l’erreur est dissipée dans mon âme, cette nuit qu’épaississent les cinq voiles et que hantent les douleurs semblables à des brigands.

Le soleil de la science est levé ; mon cœur est heureux dans le ciel, dont la splendeur me laisse apercevoir les trois mondes tels qu’ils sont réellement.

Le moment de la suprême faveur, c’est pour moi l’imitation de la conduite du Maître ; ce corps a longtemps vécu ; fais donc comme tu voudras.

En ce moment le bourreau impitoyable, au cœur dur, qui ne tenait pas compte de l’autre vie, saisit le Religieux et le jeta, plein de fureur, dans un chaudron de fer rempli d’eau mêlée de sang, de graisse, d’urine et d’excréments humains. Puis sous le chaudron il alluma un grand feu. Mais quoiqu’il consumât une masse de bois considérable, le Religieux n’éprouvait aucune douleur. Le bourreau voulut rallumer le feu, et le feu ne brûla pas. Pendant qu’il en cherchait la cause, il vit le Religieux assis, les jambes croisées sur un lotus, et aussitôt il s’empressa d’aller prévenir le roi de ce miracle. Quand le roi fut venu avec une suite de plusieurs milliers de personnes, le Religieux, voyant que le moment de le convertir était arrivé, se mit à déployer sa puissance surnaturelle. Du milieu du chaudron de fer où il baignait dans l’eau, il s’élança en l’air, semblable à un cygne, à la vue de la foule qui le regardait ; et là il se mit à produire diverses apparitions miraculeuses ; c’est ce qu’exprime cette stance :

De la moitié de son corps sortit de l’eau, de l’autre moitié s’élança du feu ; produisant tour à tour de la pluie et des flammes, il resplendit dans le ciel, comme une montagne du sommet de laquelle des sources s’échapperaient du milieu des végétaux embrasés.

À la vue du Religieux suspendu dans les airs, le roi, sur le visage duquel se peignait l’étonnement, lui dit, en le regardant, les mains jointes et avec un empressement extrême :

Ta forme, ami, est celle d’un homme ; mais ta puissance est surhumaine.