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DU BUDDHISME INDIEN.


roi ayant appelé le héraut Sarvamitra, lui dit : Je ferai présent de cent mille [Suvarṇas] à l’Assemblée des Âryas, et je donnerai le bain à l’arbre Bôdhi avec l’eau de mille vases. Proclame en mon nom [que les Religieux seront reçus par moi pendant] les cinq mois du Varcha.

En ce temps-là Kunâla[1] avait déjà perdu les deux yeux, et il se tenait à la droite du roi. Il allongea deux doigts, sans prononcer une parole ; son intention était d’annoncer qu’il voulait donner le double. Mais au moment où Kunâla augmentait ainsi la somme avec un signe de sa main, la foule du peuple se mit à rire. Le roi riant à son tour, dit à Râdhagupta : Oh ! qui donc a ainsi doublé la somme ? Il y a bien des êtres, répondit Râdhagupta, qui ont besoin du mérite des bonnes œuvres ; c’est un de ceux-là qui a doublé. Eh bien, dit le roi, je ferai présent de trois cent mille [Suvarṇas] à l’Assemblée des Âryas, et je donnerai le bain à l’arbre Bôdhi avec l’eau de mille vases. Que l’on proclame en mon nom [que les Religieux seront reçus par moi pendant] les cinq mois du Varcha. En ce moment Kunâla leva quatre doigts ; mais le roi en colère dit à Râdhagupta : Quel est donc, Râdhagupta, celui qui lutte ainsi avec moi ? quel est-il, cet ignorant du monde ? À la vue du roi irrité, Râdhagupta se jetant à ses pieds, lui dit : Seigneur, qui aurait le pouvoir de lutter avec le roi des hommes ? C’est le vertueux Kunâla qui joue avec son père. Aussitôt le roi se tournant sur la droite, aperçut Kunâla et s’écria : Sthavira, je donne à l’Assemblée des Âryas, et avant elle à l’arbre Bôdhi, ma royauté, mes femmes, la foule de mes conseillers, Kunâla et ma personne même, à l’exception de mon trésor ; je baignerai le grand arbre Bôdhi avec du lait et de l’eau parfumés de santal, de safran, de camphre, et contenue dans cinq mille vases d’or, d’argent, de cristal, de lapis-lazuli, remplis de diverses espèces de parfums ; je lui offrirai des milliers de fleurs. Que l’on proclame en mon nom [que les Religieux seront reçus par moi pendant] les cinq mois du Varcha. Et il prononça cette stance :

« Ma royauté florissante, mes femmes, la foule entière de mes conseillers, je donne tout cela, excepté mon trésor, à l’Assemblée qui est comme un vase de vertus ; je me donne moi-même et Kunâla, qui est plein de qualités. »

Alors le roi étant sorti en présence de l’Assemblée, à la tête de laquelle était le Sthavira Pindôla, descendant de Bharadvâdja, fit construire une estrade des quatre côtés de l’arbre Bôdhi ; puis montant lui-même sur cette estrade,

  1. Kunâla est ce fils d’Açôka auquel la reine Tichya rakchitâ avait fait crever les yeux, parce qu’il avait résisté à ses avances. On le nommait ainsi à cause de la beauté de ses yeux, qui ressemblaient à ceux d’un oiseau nommé Kunâla. Son nom s’écrit avec un n ou un .