Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
470
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

pris dans ce sens spécial, sur l’adoption du mot Vadjra, usité dans un sens analogue, il n’en reste pas moins certain que ce dernier caractérise d’une manière particulière le style des Tantras. Je puis donc dire de ces ouvrages ce que j’ai dit des Sûtras les plus développés : ils appartiennent comme eux à un second âge des croyances et de la littérature buddhiques ; non pas que je prétende pour cela qu’ils aient été rédigés en même temps que les Sûtras les plus étendus et que les grands recueils de la Pradjñâ pâramitâ, mais c’est qu’ils mêlent aux notions simples du Buddhisme primitif des pratiques religieuses et des noms divins que citent également les grands Sûtras.

Mon intention n’est pas de m’arrêter longuement sur cette partie de la collection du Népâl, que je suis porté à regarder comme la plus moderne de toutes, et dont l’importance pour l’histoire des superstitions humaines ne rachète pas la médiocrité et le vide. Il n’est certainement pas sans intérêt de voir le Buddhisme, qui dans son organisation première avait si peu de ce qui fait une religion, aboutir aux pratiques les plus puériles et aux superstitions les plus exagérées. Mais ce spectacle déplorable a bien vite lassé la curiosité et humilié l’intelligence. L’idée d’un Dieu suprême y occupe sans doute une place considérable ; et je veux bien croire que dans les développements qu’a pris cette partie de la littérature buddhique, la morale a dû se faire aussi la sienne. Il faut même que tout n’y soit pas aussi pauvre que ce que j’en connais, puisque Csoma de Cörös cite en plusieurs endroits de son analyse divers Tantras qui sont à son avis très-beaux[1]. Je suis surpris néanmoins que ce savant, qui a donné une analyse complète des légendes du Vinaya, où l’histoire de la prédication de Çâkyamuni est retracée quelquefois d’une manière si attachante, et qui l’a fait sans laisser percer le moindre sentiment d’intérêt pour ces curieux récits, n’ait trouvé des paroles d’admiration et d’enthousiasme que pour les livres qui me paraissent le misérable produit de l’ignorance et de la crédulité la plus grossière. Mais les Tantras, en remplaçant le culte simple de Çâkya par l’adoration d’une foule de Divinités fantastiques, ont évidemment transformé le Buddhisme, et ont par suite donné naissance à un développement littéraire spécial qui a pu avoir aussi ses beaux côtés. Je regrette seulement ou de ne les avoir pas vus, ou d’avoir peut-être manqué du courage nécessaire pour les chercher.

  1. Analysis of the Sher-chin, dans Asiat. Res., t. XX, p. 492, 496, 499, 502, 513 et 545. Dans un endroit il s’exprime ainsi ; « Ce Tantra et le précédent sont bien dignes d’être lus et étudiés, « parce qu’ils donneront une idée de ce que les Anciens pensaient de l’âme humaine et de Dieu. » (Ibid., p. 497.) Mais n’aurait-il pas été nécessaire d’établir auparavant que ces Tantras sont en effet des productions anciennes ? et n’était-il pas utile de faire remarquer que rien de ce qu’ils enseignent ne se trouve ni dans le Vinaya, ni dans les Sûtras, qui sont au contraire remplis presque entièrement de l’histoire de Çâkyamuni ou de ses premiers disciples, et dont l’antériorité relative ne peut être contestée par personne ?