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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

fication des Buddhistes du Sud, qu’ils placent les Garuḍas au troisième étage au-dessus de la terre[1].

Le troisième étage est le séjour des êtres qu’on nomme, suivant Georgi, « buveurs et stupides, » et qui ont en tibétain le nom de Riag myos[2]. Ces deux monosyllabes se traduisent littéralement par « continuellement enivrés, » et cette interprétation s’accorde bien avec la notion que Georgi nous donne de ces Dieux ; mais ici encore les textes du Népâl, du moins ceux que je puis consulter, sont absolument muets, et je ne retrouve pas dans nos légendes le nom sanscrit de ces Divinités. Peut-être ces génies toujours ivres sont-ils les Nâgas, ou Dragons lourds et stupides que les Buddhistes du Sud placent, il est vrai, au quatrième degré.

Le quatrième étage est habité par les êtres que Georgi nomme les Lha ma yin[3], c’est-à-dire « ceux qui ne sont pas des Dieux, » en d’autres termes, qui sont des Asuras ; car l’expression tibétaine est la traduction exacte de ce dernier nom sanscrit. Ici encore nous manquons du témoignage des textes népâlais en ce qui touche la détermination précise du séjour des Asuras ; mais leur nom n’en est pas moins authentique, et leur existence prouvée par ces textes. C’est, avec les Yakchas, un de ces anciens emprunts faits par le Buddhisme à la religion populaire de l’Inde. Les Asuras, comme les génies des trois étages inférieurs, ne figurent pas dans la classification des Dieux, habitants des étages célestes superposés au-dessus de la terre ; mais cela ne doit pas nous étonner, car ce ne sont pas des Dieux. Les Asuras sont au contraire les ennemis des Dêvas, ou de ces Divinités lumineuses dont les Buddhistes de toutes les écoles se sont fait des idées tout à fait conformes aux conceptions brâhmaniques[4]. Voilà pourquoi le Sûtra auquel se rapporte la présente note, parlant des rayons de lumière qui s’élèvent dans le ciel et vont éclairer les demeures des Dêvas, prend son point de départ aux Tchaturmahârâdjikas, c’est-à-dire aux Divinités qui habitent le dernier des six cieux superposés qui constituent la première des trois régions, celle des Kâmâvatcharas, ou des êtres livrés à la concupiscence[5].

La classification que je viens d’exposer d’après Georgi se retrouve, moins le

  1. The Mahâvansi, etc., t. III, p. 51.
  2. Alphab. Tib., p. 481, n° 10.
  3. Alphab. Tib., p. 481, n° 11.
  4. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 138 et 139.
  5. Voyez second Mémoire, section II, p. 70, note 4. Je me sers à dessein du mot région (Dhâtu), pour éviter la confusion qu’entraîne l’emploi du mot monde (Lôka), confusion qu’a parfaitement débrouillée M. Schmidt. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 55, note 7.)