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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

consiste à placer des génies atmosphériques sur des chaînes concentriques au Mêru et s’élevant à des hauteurs inégales le long de sa pente, est peut-être préférable à celui de Georgi, qui représente ces génies étagés sur les flancs de cette montagne ; du moins il s’accorde mieux avec la théorie brâhmanique des grandes chaînes qui entourent le Mêru.

Quoi qu’il en soit, au-dessus de ces ordres de génies qui habitent l’atmosphère, on place à la quatrième station du Mêru les quatre grands Rois. Georgi nous apprend qu’il y a au Tibet deux opinions sur ce point[1]. Suivant, en effet, qu’on attribue aux Asuras le troisième ou le quatrième degré, les quatre grands Rois remontent au quatrième ou descendent au troisième étage du Mêru. Je ne balance pas à me ranger à la première opinion, qui est celle de Pallas et de M. A. Rémusat ; elle me paraît reposer sur des documents exacts et plus soigneusement étudiés que ceux qu’a si souvent confondus Georgi[2] ; c’est celle que j’ai suivie, quand j’ai eu occasion de parler des quatre grands Rois[3]. La liste de notre Sûtra commence avec cet ordre de Divinités qui sont nommées les Tchaturmahârâdjikas. Les Tibétains, d’après Georgi, les désignent par le nom de Rgyel-tchhen-bji[4], qu’il faut lire Rgyal, etc., ce qui signifie exactement « les quatre grands Rois. » Le Vocabulaire pentaglotte donne leur nom de cette manière : Gyal (rgyal)-tchhen-bjihi rigs, « la tribu des quatre grands Rois[5] ; » c’est la traduction littérale du titre sanscrit adopté par ce Vocabulaire : Tchatur mahârâdja kâyikas. Les Tibétains les nomment encore Hdjig-rten-skyong-ba bji, « les quatre protecteurs de l’univers[6], » ce qui n’est qu’une traduction du nom brâhmanique de Lôkapâla.

Ces rois sont fréquemment cités dans les livres du Népâl, et j’ai expliqué leurs noms dans les notes d’un Sûtra que j’ai traduit plus haut[7]. J’ajoute seulement ici que le terme composé et dérivé qu’emploie notre Sûtra signifie « les Dieux qui forment la suite des quatre grands Rois. » C’est exactement de

    assez faible des transcriptions chinoises. Ainsi Yeou kan tho est le Yugam̃dhara (Mahâvansi, t. III, p. 67) ; Ni min tho lo, Nêmîndra ; Ku tu mo ti, Kêtumatî. Ce nom ne signifie pas, comme le dit M. A. Rémusat, « vexilli perspicacitas, » mais « la région qui a des étendards ; » il semble que les Chinois ont fait un jeu de mots sur le suffixe matî, qu’ils ont pris pour mati, mot signifiant intelligence. Le nom de Kiei tho lo rappelle le Kêdâra, et le Tchakra est cette chaîne que les Buddhistes nomment Tchakravâla et dont ils font la ceinture de la terre ; il en est très-souvent question dans les livres buddhiques de Ceylan.

  1. Alphab. Tib., p. 481 et 482.
  2. Journal des Savants, année 1833, p. 609. Foe koue ki, p. 139 et 140.
  3. Voyez second Mémoire, sect. II, p. 149, notes 1, 2, 3, 4.
  4. Alphab. Tib., p. 482, n° 12.
  5. Vocab. pentagl., sect. xlix, n° 1.
  6. Csoma, Tibet. Diction., p. 243, col. 2. Schmidt, Tibet. Wörterb., p. 176.
  7. Voyez second Mémoire, sect. II, p. 149, notes 1, 2, 3, 4.