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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

c’est la présence d’Indra qui forme le nombre de trente-trois[1]. Georgi donne à Indra le nom de Kia-cjin, ce qui s’écrit en tibétain Brgya-byin ; ce titre paraît répondre à celui de Çatamanyu ou de Çatakratu, sous lequel Indra est vulgairement connu chez les Brâhmanes. Au reste, les Buddhistes se font, du ciel des trente-trois Dieux et de la félicité dont on y jouit, exactement la même idée que les Indiens orthodoxes. Ils le placent au sommet du Mêru, et le disent habité par des personnages que leurs vertus ou leur gloire y ont élevés ; seulement, ce qui paraît ici propre aux Buddhistes, c’est l’idée si souvent répétée dans les Sûtras, que les hommes et les animaux mêmes peuvent, après leur mort, y renaître pour prix de leur vertu[2]. M. Schmidt s’autorise de cette circonstance pour avancer que les trente-trois Dieux ne sont pas les seuls habitants de cette terre de délices[3]. Je ne puis ni confirmer, ni contester cette assertion ; car les livres qui sont entre mes mains ne disent rien à cet égard. Je préfère cependant croire que chez les Buddhistes, comme chez les Brâhmanes, le nombre de trente-trois est pris au propre et employé dans un sens restrictif. Les Buddhistes ont même conservé avec une parfaite exactitude les quatre catégories dont se composent ces trente-trois Divinités. Les huit Vasus sont les huit Dieux dispensateurs de tous les biens, ce qui est d’accord avec une des interprétations du mot Vasu, et ce qui rappelle la formule antique dâtârô vasûnam, δωτῆρες ἐάων (dôtêres eaôn). Les onze Rudras sont les onze Divinités redoutables, ce qui est très-exact. Les douze Âdityas sont les douze manifestations du soleil, et les deux Açvins sont les deux Divinités toujours jeunes : on ne les invoque pas autrement dans les Vêdas ni dans le Zend Avesta.

Immédiatement au-dessus des trente-trois Dieux, c’est-à-dire au troisième étage de la région des désirs, viennent les Yâmas, que Georgi nomme Thob-bral-ba[4]. Il faut lire, comme dans le Vocabulaire pentaglotte[5], Hthab au lieu de Thob, et traduire : « ceux qui sont à l’abri des querelles, » ce qui reviendrait au sens donné à ce nom chez les Mongols, qui selon M. Schmidt le traduisent par « exempts de combats[6]. » Cette explication n’est d’ailleurs pas très-éloignée de celle des Chinois qui d’après M. A. Rémusat donnent au nom

  1. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 64 et 65, 128 et 129, et de plus, les renvois à d’autres ouvrages indiqués dans ces deux notes substantielles. Voy. Journal des Savants, année 1831, p. 610 ; Schmidt, Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 30 sqq.
  2. Foe koue ki, p. 144.
  3. Mém. de l’Acad., etc., t. II, p. 30.
  4. Alphab. Tib., p. 483, n° 13.
  5. Vocab. pentagl., sect. xlix, n° 3.
  6. Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 30, et t. IV, p. 216.