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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

ciproquement ; il se pourrait qu’il fût en ce point moins exact que Georgi. L’explication que je propose est également celle des Chinois, du moins d’après M. Rémusat, qui traduit ainsi leur version : spiritus bonus vivus, ou « le ciel des Dieux qui voient admirablement tous les mondes[1]. » Ici encore le Vocabulaire pentaglotte altère très-fortement le terme sanscrit.

Au septième degré de la même sphère sont établis les Sudarçanas, dont le nom doit signifier « ceux dont l’apparence est belle. » Les Tibétains, d’après Georgi, leur donnent le nom de Gya-nom-snang-ba[2], ce qui peut vouloir dire « ceux qui ont une belle apparence. » Les Chinois, d’après M. A. Rémusat, l’entendent ainsi ; car dans sa traduction inédite du Vocabulaire pentaglotte, il traduit leur version de cette manière, bonus apparens[3] ; mais dans ses notes sur le Foe koue ki, il rend le nom de Sudarçana par « le ciel des Dieux pour qui tout est présent et manifeste[4]. » La première interprétation me paraît de beaucoup préférable ; la seconde ne ferait que reproduire l’idée exprimée par le nom des Dieux du ciel précédent.

Au-dessus de ces Dieux, et avant les Akanichṭhas qui vont suivre, la liste népâlaise de M. Hodgson place une classe tout à fait inconnue aux autres autorités buddhiques, celle des Sumukhas[5]. Ce titre de Sumukha signifie « les Dieux au beau visage[6], » et il rappelle si bien les Sudarçanas qui précèdent, que je suis tenté de le regarder comme un simple synonyme du nom de Sudarçana. Il se peut que ce terme se soit glissé dans la liste en qualité de commentaire du nom précédent, qu’on aurait pu sans cela confondre avec celui des Sudrĭças. J’ai déjà fait une observation analogue à l’égard des Arangisattvas ; mais j’avoue que cette remarque a pour moi plus de valeur ici qu’en ce qui touche la classe des Dieux que je rappelle. J’ajoute seulement qu’au moyen de l’addition de ces deux classes, les Buddhistes népâlais comptent dix cieux de la quatrième contemplation, au lieu de huit que reconnaissent les Chinois et les Mongols, d’accord avec notre Sûtra.

Enfin, viennent au huitième degré les Akanichṭhas, c’est-à-dire « les plus élevés, » sur le nom desquels j’ai eu l’occasion de m’expliquer plus haut[7].

  1. Vocab. pentagl., sect. liii, n° 6.
  2. Alphab. Tib., p. 182 ; et p. 485, n° 28.
  3. Vocab. pentagl., sect. liii, n° 7. Le terme original sanscrit est ici encore presque défiguré par l’éditeur de cet ouvrage.
  4. Foe koue ki, p. 146.
  5. Transact. Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 234.
  6. S. Schmidt traduit ce nom par : höchste Vostrefflichkeit, « la plus haute excellence. » J’ignore sur quoi se fonde cette interprétation, que M. Schmidt modifie ailleurs en y ajoutant l’idée de clarté. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 102 ; et t. IV, p. 217.)
  7. Ci-dessus, sect. II, p. 154, note 1.