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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

entrer. Voilà pour les temps anciens. Mais si, depuis cette première rédaction, il s’en est fait une seconde, une troisième ; si les livres, conservés longtemps par la tradition orale, ont été remaniés à plusieurs reprises, n’est-il pas naturel que les titres des trois grandes classes, que l’on continuait à respecter à cause de l’ancienneté de leur origine, se soient glissés dans quelques-uns des livres compris sous ces classes mêmes ? C’est de cette manière que j’explique comment il se fait que les titres rappelés plus haut paraissent dans le corps même des livres attribués au dernier Buddha, c’est-à-dire à une époque où, suivant la tradition, ces titres n’étaient pas encore inventés. Je ne vois là rien de prémédité, et le fait me semble être très-simple. Possible dans la supposition d’une seule rédaction des livres sacrés, il devenait inévitable du moment que ces livres furent rédigés plus d’une fois ; car au temps de la seconde rédaction, et plus encore au temps de la troisième, la division des écritures buddhiques en trois classes était un fait accompli, un fait presque sacré, que les compilateurs pouvaient aisément confondre avec les autres faits conservés dans les écritures dont ils donnaient une rédaction nouvelle.

Je n’insisterai pas davantage sur ce point, parce que je dois, en résumant ce qu’on sait de la collection népâlaise, parler des diverses rédactions qui en ont été faites à diverses époques. Je signalerai seulement la curieuse expression de Mâtrikâ, par laquelle les trois passages précités du Divya avadâna désignent, à ce qu’il semble, la troisième classe du Tripițaka. Elle rappelle le titre de Yum ou Ma-mo « la mère, » que les Tibétains donnent à cette même classe[1]. Rien ne nous apprend l’origine de cette dénomination ; nous savons seulement, par les textes du Népâl, qu’elle est familière aux Buddhistes de ce pays, comme elle l’est à ceux du Tibet qui l’ont sans doute empruntée aux textes sanscrits[2]. Il faut la considérer comme ancienne, puisqu’elle est admise par toutes les écoles, celle du Sud comme celle du Nord. Je remarque en effet, dans un des Suttas (Sûtras) pâlis les plus estimés des Singhalais, que des Religieux sont nommés « possesseurs de la loi, de la discipline et de la Mâtrikâ[3] ; » et cette expression est répétée dans une autre collection non moins célèbre[4]. Je dois cependant avertir que M. Turnour fait de la Mâtrikâ une portion du Vinaya.

Enfin, et pour ne rien omettre de ce qui touche aux divisions les plus générales des écritures buddhiques, je vais en exposer une autre classification sur laquelle la tradition népâlaise garde, à ma connaissance, un silence complet,

  1. Csoma, Analys. of the Dul-va, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 43.
  2. Csoma, Notices on the life of Shakya, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 317.
  3. Parinibbâna sutta, dans Digha nikâya, f. 92 a de mon manuscrit.
  4. Anguttara nikâya, f. khi b, man. de la Bibliothèque du Roi.