Il y a plusieurs observations à faire sur cette définition. La liste de M. Hodgson présente un grand nombre d’ouvrages qui sont qualifiés de Vyâkaraṇa çâstra : ce sont, entre autres, le Gaṇḍa vyûha, le Samâdhi râdja et le Saddharma puṇḍarîka. Or, sur aucun de ces ouvrages ne paraît le titre de Vyâkaraṇa ; ces livres sont des Sûtras de l’espèce de ceux qu’on nomme Mahâyâna, ou « servant de grand véhicule, » et plusieurs, notamment le Saddharma puṇḍarika, portent le titre spécial de Mahâ vâipulya sûtra, ou « Sûtra de grand développement. » D’où vient donc ce titre de Vyâkaraṇa que nous a conservé la tradition népâlaise, et est-il possible de trouver dans les ouvrages qui le portent la raison de l’application qu’on leur en fait ? Il faut d’abord remarquer que ce titre doit avoir aux yeux des Buddhistes du Népâl une assez grande importance, puisque M. Hodgson dit en un endroit qu’il comprend trois autres sous-divisions des écritures buddhiques, dont il sera parlé tout à l’heure ; et que, dans un autre passage, il nous apprend que l’on tient, quoiqu’à tort, le Vyâkaraṇa pour l’équivalent de la Smriti, ou de la science traditionnelle des Brâhmanes[1]. Mais ces diverses opinions perdent beaucoup de leur valeur, si l’on ne peut découvrir le titre de Vyâkaraṇa sur aucun des ouvrages qui, d’après la tradition conservée dans la liste que nous examinons, devraient le porter. L’explication de cette difficulté se trouve, si je ne me trompe, dans la valeur propre que les textes sanscrits du Népâl, comme les livres pâlis de Ceylan, assignent au mot Vyâkaraṇa. Cette valeur, justifiée par un très-grand nombre de passages et par le témoignage des versions tibétaines[2], est celle d’explication des destinées futures d’un personnage auquel Çâkyamuni s’adresse, en un mot de prédiction. Ces sortes de prédictions, par lesquelles Çâkyamuni annonce à ses disciples que la dignité de Buddha sera un jour la récompense de leurs mérites, sont très-fréquentes dans les textes sanscrits du Népâl, et il n’est presque aucun Sûtra de quelque étendue qui n’en renferme une ou plusieurs ; or, comme elles ont pour les Buddhistes une importance considérable, en ce qu’elles promettent à leur croyance un avenir sans limites, et des représentants sans fin, il se peut qu’elles aient fourni un élément d’une valeur suffisante pour une classification qui est au moins aussi littéraire que religieuse. Je me figure donc que quand on dit au Népâl d’un livre réputé sacré (et on le dit de plusieurs Sûtras) que c’est un Vyâkaraṇa, cela veut dire que ce livre renferme une partie plus ou moins étendue qui est consacrée aux prédictions que Çâkyamuni