Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/11

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laires : on sait quel parti les frères Grimm ont su tirer des traditions recueillies par eux dans une partie de l’Allemagne, et quelle lumière la connaissance de l’Inde a déjà répandue sur elles. De tels faits, très-nombreux dans toutes les contrées de la terre, sont, pour la science des religions, pareils à ces blocs de pierre que les géologues nomment erratiques, et qui, au milieu de terrains d’une autre nature, attestent un ancien état de choses dont ils sont quelquefois les uniques témoins.

Aucun des faits qui se rattachent à l’idée religieuse n’est négligé par la science : elle peut les apprécier ; mais, avant tout, elle les constate, et toujours elle en tient compte ; ceux dont le souvenir nous vient d’un passé lointain et qui sont presque inconnus du vulgaire peuvent avoir plus de valeur réelle que des faits contemporains qui tiennent le monde en suspens. « Les pages les plus anciennes et les plus altérées de la tradition, dit avec raison M. Max Müller, nous sont quelquefois plus chères que les documents les plus explicites de l’histoire moderne. » Tel est le fond solide sur lequel repose la science des religions. Comme on le voit, elle ne le cède point en valeur aux autres sciences d‘observation ; elle occupe, par sa méthode, une place marquée près de l’histoire et de la linguistique, touchant d’un autre côté à la philosophie.

Il est une objection à laquelle nous devons répondre dès à présent : les faits religieux, dit-on, sont trop nombreux pour pouvoir être recueillis et scientifiquement analysés. Le nombre des religions qui ont existé ou qui existent encore parmi les hommes est, en effet, plus grand qu’on ne l’imagine. L’habitude de vivre dans une société où il ne s’en rencontre que deux ou trois, fait qu’on ne se préoccupe point des autres. Cependant, quelque peu de valeur qu’aient les religions des peuplades barbares de l’Afrique, de l’Amérique et de l’O-