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que tout l’empire. De plus, l’évangile de Jean peut lui-même être l’objet sinon d’interprétations opposées, du moins d’explications plus ou moins approfondies qu’il fallait mesurer à la capacité intellectuelle des catéchumènes. Les plus ignorants ne pouvaient guère recevoir que l’enseignement populaire contenu dans les récits et les paraboles ; les autres recevaient, avec les symboles figurés, toute la doctrine telle que l’apôtre l’avait exposée lui-même. Cette distinction dura, tant que les réunions des chrétiens furent clandestines ou simplement tolérées ; elle ne cessa qu’après l’édit de Constantin, lorsqu’il fut devenu impossible d’exclure des églises aucun assistant.

On voit par ce court exposé que le dogme chrétien existait tout fait dans la pensée de Jésus, et qu’il ne fut livré que par portions et par des publications successives, volontaires et préméditées. Néanmoins, s’il est vrai que les livres canoniques soient sortis l’un après l’autre du mystère où ils étaient tenus, la forme sous laquelle nous les possédons n’est pas celle que leurs auteurs leur avaient donnée. Ainsi, l’évangile de Jean avait été composé d’abord en araméen ; le texte sorti des mains de l’apôtre, s’il a jamais existé, ne nous est point parvenu ; la traduction qui en fut livrée au public vers, la fin du IIe siècle, et que la critique attribue à Jean le Majeur, était-elle la reproduction exacte de ce texte ? Non, car les fragments cités dans les auteurs du Ier siècle ne reproduisent pas tels que nous les avons les textes de cet évangile. Il est donc probable que les textes primitifs ne furent publiés qu’après avoir subi les modifications exigées par les circonstances, c’est-à-dire pour servir de réponse aux opinions dissidentes à mesure qu’elles se produisaient. D’où venaient à leur tour ces altérations de textes ? Évidemment de l’esprit individuel des maîtres, lequel marchait lui-même avec le temps.