Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/218

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progrès ou de sa décadence naissent des mœurs nouvelles produites par un nouvel état social, il faut que la religion change ou qu’étant abandonnée, elle périsse. Ordinairement elle périt, parce que l’immutabilité qui est au fond de la doctrine métaphysique se communiquant à toute l’institution religieuse, chaque église a la prétention d’être invariable dans tous ses éléments. Elle cesse donc bientôt de répondre aux besoins changeants de la nation ; les hommes la délaissent, et les temples restent déserts. C’est ce qui est arrivé pour les religions de la Grèce et de l’Italie, en pleine civilisation.

A la morale se rattachent ses applications. Les idées politiques d’une nation n’ont de rapport avec ses mœurs que parce que les unes et les autres dérivent de son état social. De même la religion est au fond étrangère à la politique, et n’a rien à démêler avec elle. Elle lui est fort supérieure, parce qu’une théorie métaphysique est non seulement en dehors, mais au-dessus d’institutions politiques toujours variables. Il est impossible de dire quel était l’état politique du peuple âryen, chez qui est née la première institution religieuse ; mais d’après les hymnes du Vêda, cet état devait être fort rudimentaire, puisque longtemps après l’établissement du culte public par les Ribhous, si tel est leur nom, on en était encore à l’état féodal le plus divisé. Cet état existait de même lors des premières migrations helléniques[1]. Les vieilles royautés, c’est-à-dire les seigneuries féodales auxquelles les plus anciens hymnes indiens, ainsi que l’Iliade d’Homère, font allusion, s’étendaient sur des contrées si petites, que ces princes, indépendants les uns des autres, n’étaient véritablement entourés que de leur famille, de leurs serviteurs et de leurs fermiers. Un pas

  1. Voyez notre ouvrage intitulé : La légende athénienne, et notre Histoire de la littérature grecque.