Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/25

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Enfin, le principe des interprétations grammaticales peut s’appliquer à un grand nombre de catégories de termes, à ceux qui expriment des notions philosophiques comme à d’autres. Le nom de Dieu tire son origine du latin deus qui est le sanscrit dêva. Ce dernier vient de la racine div, qui veut dire briller, et qui s’applique soit à l’éclat des objets éclairés, soit à celui de la lumière et du ciel resplendissant, de telle sorte que les hommes pourraient bien n’avoir en réalité que l’idée de lumière pendant qu’ils croient posséder la notion de Dieu.

Ces conséquences sont en contradiction formelle avec toute la métaphysique et avec la psychologie la plus simple. Les philologues ne doivent pas oublier que, si un principe faux engendre parfois des conséquences vraies, jamais d’un principe vrai on ne peut tirer des conséquences fausses. Il ne faut donc pas donner aux interprétations grammaticales une aussi grande portée, ni leur demander l’origine première des dogmes ou des rites : elles sont hors d’état de la faire connaitre. La linguistique est une science d’observation et, par conséquent, incapable de résoudre par elle-même aucun problème de métaphysique. En y réfléchissant, on se convaincra que l’idée de Dieu naît avant qu’on l’exprime, et que, si elle n’existait pas dans l’esprit, jamais d’un nom commun ou d’un adjectif on n’aurait pu faire le nom propre d’une divinité. Vishnu n’est ni le soleil ni ses rayons ; Agni n’est pas le feu matériel qui brûle, malgré l’identité de Ieurs noms ; Neptune n’est ni la mer ni l’eau douce. Il n’y a pas, à ma connaissance, un seul texte, ni dans Homère, ni dans le Vêda, qui impose à ces noms la signification étroite et matérielle qu’on leur suppose. Vishnu est une force vivante qui se manifeste dans le soleil aux rayons pénétrants ; Agni est une puissance universelle, intelligente et libre, dont les feux de toute nature ne sont que des signes visibles,