Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/252

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l’unité des doctrines, ces centres de réunion virent les esprits d’élite mettre leurs théories personnelles en face les unes des autres, les discuter, les rectifier, les étendre, et, tombant enfin d’accord, constituer des dogmes communs. Comme la base du culte était d’ailleurs la même pour tous, depuis que le feu était devenu la chose sacrée, les deux éléments de la religion se trouvèrent également adoptés dans chaque peuple par toute une communauté d’hommes : le dogme et le culte prirent un caractère public et national.

Les orthodoxies n’ont donc pas apparu subitement sur la terre ; elles sont l’œuvre du temps. Lorsque les chefs de famille se rapprochèrent et s’entendirent pour l’établissement des dogmes communs, c’est alors seulement que se forma entre eux cette communion de doctrine et de culte à laquelle les Latins ont donné le nom de religion. Ce mot, en effet, signifie non pas le lien de l’homme avec Dieu, comme on se plaît à le dire très-faussement, mais le lien qui réunit plusieurs hommes dans un même système de dogmes et de cérémonies sacrées. Il est presque synonyme d’orthodoxie ; seulement cette dernière expression renferme une idée d’exclusion, sur laquelle nous devons nous arrêter.

Quand une opinion se déclare droite et vraie, cela signifie que toute opinion différente n’est ni l’un ni l’autre. Une telle déclaration de principes embrasse non seulement la doctrine fondamentale, mais encore le rite sacré d’où elle est née et les symboles qui la représentent. L’orthodoxie porte alors sur tous les éléments de la religion. Il peut y avoir des religions sans orthodoxie, ou dans lesquelles l’orthodoxie est moins rigoureuse que dans d’autres : ce sont celles où une certaine latitude est laissée aux dévots dans l’interprétation des théories abstraites et métaphysiques ; tel fut pendant des siècles le brahmanisme ; telle a été la religion de