Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/255

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qui pouvaient en découler. Les prêtres furent les savants, et les autres hommes furent les ignorants. Du nombre de ces derniers, il ne faut pas même excepter les rois, dont la richesse et le métier des armes étaient l’apanage et relevaient assez la position. Cet état d’ignorance des rois et des princes dura longtemps, car nous le retrouvons chez les Grecs dans l’Odyssée, à Rome jusqu’au temps des Scipions, et chez nous durant toute la période épique du moyen âge ; aujourd’hui même, dans l’Inde, la caste des râjas est très-ignorante, et s’est récemment encore fait avertir par des gouverneurs anglais qu’elle perdrait bientôt sa fortune et son prestige au milieu de sujets qui s’instruisent et s’enrichissent.

L’exclusion fut donc complète, et il se forma sur toute la terre une classe d’hommes qui dans chaque pays eurent le privilège de connaître des affaires sacrées, de fixer et de maintenir l’orthodoxie. Leur place dans les sociétés fut avantageuse : outre le dépôt de la science confié à leurs mains, ils avaient les fonctions les plus douces et les plus considérées ; ils jouissaient d’une grande sécurité et se voyaient mis, par la protection des rois et les labeurs du peuple, à l’abri de presque toutes les misères de la vie. Lorsque, dans le bouddhisme d’abord et plus tard dans le catholicisme, on voulut supprimer à jamais toute idée de caste sacerdoale et livrer le sacerdoce au peuple entier en créant le célibat des prêtres, la condition de ces derniers se trouva encore améliorée, puisque, sans perdre aucun de leurs autres avantages, ils furent par là soustraits aux obligations de famille et aux malheurs domestiques.

Quelles qu’aient été son organisation et la distance établie enttre lui et les profanes, le sacerdoce se trouva seul chargé du soin de développer et de défendre l’orthodoxie, c’est-à-dire la croyance commune, avec ses