Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/288

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quences du dogme arrêté, la signification primordiale s’efface de plus en plus et finit par disparaître entièrement. On se trouve alors en face de conceptions fantastiques ou d’êtres idéaux, auxquels on attribue une existence surnaturelle et une action prépondérante dans l’univers physique et dans l’humanité. C’est là l’histoire de tout le paganisme ancien et moderne.

Lorsque la science a grandi et qu’elle lève les yeux vers ces figures créées par les orthodoxies, ne pouvant les saisir par aucune de ses méthodes, elle les nie ou les néglige, comme des fantômes de l’imagination populaire. Elle s’en éloigne d’autant plus qu’elle part elle-même de la réalité, et que, sans jamais la perdre de vue, elle marche vers des formules de plus en plus abstraites et de moins en moins saisissables à l’imagination. Si l’on en vient alors à rapprocher ces formules des figures sacrées qui en sont les équivalents, celles-ci sont jugées inutiles par les hommes de science, qui à leur tour sont condamnés par les orthodoxes comme des impies ; car ce n’est ni Indra, ni Jupiter, ni saint Sigisbert qui font tomber la pluie ; elle résulte d’un ensemble de lois que la météorologie détermine. Cependant les figures sacrées ne se renouvellent pas, et la science se renouvelle toujours ; dans sa marche, elle les repousse devant elle, les confine dans l’adoration d’un groupe de croyants qui diminue sans cesse, et il vient un temps où l’on peut dire que les dieux s’en vont avec les orthodoxies qui les ont créés.

Telles sont les lois auxquelles toutes les orthodoxies obéissent depuis leur naissance jusqu’à leur fin. Ces lois ne s’écartent en rien des lois générales du monde : elles n’en sont que l’application à un ordre particulier de phénomènes. Il n’y a ni à les louer, ni à les blâmer ; elles sont ce qu’elles sont, et l’humanité leur obéit d’instinct, sans le vouloir et sans pouvoir s’y soustraire.