Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/81

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carné. Dans les hommes, sa présence se manifeste, non seulement par la vie et par les qualités du corps, mais aussi et surtout par celles de l’âme, qui sont la pensée vraie et l’action morale. Quand un homme, par la supériorité de son intelligence et par la droiture d’une volonté énergique, exerce sur ceux de son temps et sur les générations qui le suivent une influence prépondérante, on le reconnait plus particulièrement pour une incarnation divine : tels furent les deux Râma, tels sont les fils de Pândou dans les épopées sanscrites. Krishna est une incarnation moderne de Vishnou. Le développement de l’idée religieuse dans le brâhmanisme s’opère constamment à travers une série d’incarnations. Comme l’Être absolu ne parait jamais dans l’univers et qu’il est à peine accessible à la pensée, il ne peut agir que par les énergies personnelles qui émanent de lui, et ces grandes divinités engendrent à leur tour les séries non interrompues de formes sensibles et vivantes que nous appelons improprement les êtres réels. Ces générations ne peuvent se produire sans qu’il y ait, dans leur source même, le dédoublement des sexes, conçu comme la condition universelle de la vie ; de sorte que, dans le brâhmanisme parvenu à sa perfection, chaque dieu a une épouse, une mâyâ, qui est son énergie féminine et son lieu de production.

Cette métaphysique domine tout le mouvement des idées religieuses dans l’Orient indien. C’est en la suivant pas à pas que la science peut aujourd’hui se rendre compte des transformations des cultes indiens et des apparences polythéistes qui les caractérisent. Un homme de l’Orient qui viendrait en Italie ou même en France, sans connaître les dogmes catholiques, prendrait nos cultes pour de l’idolâtrie en voyant les statues qui peuplent nos églises et les dehors des cérémonies