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comme celui de Platon, il en est le créateur ; Sa première production est le Verbe, image de Dieu, premier-né de toutes les créatures, type de l’homme, Adam céleste. Le Verbe, né avant le monde, est fils de Dieu sans lui être ni égal ni identique. Philon donne la théorie de l’incarnation et du rôle du Verbe dans l’homme à peu près dans les mêmes termes où elle fut donnée après lui. Comme chez les chrétiens, l’Esprit, qui procède du Père et du Fils, est vivificateur, c’est-à-dire auteur de la vie, et de même que le Verbe habite le νοῦς, qui est la raison, l’Esprit habite la ψυχή qui est l’âme vivante. Philon admet et explique la chute de l’homme et la nécessité d’un sauveur ; ce sauveur est donné sans cesse à chacun de nous par la grâce de Dieu ; mais l’accomplissement parfait de la ressemblance de l’humanité avec le Verbe requiert la plénitude des temps, car, pris en lui-même, le Verbe divin ne peut pas descendre sur la terre, et demeure éternellement dans la gloire de Dieu.

Il n’est pas besoin de faire remarquer l’analogie profonde de ces doctrines avec celles que saint Jean tenait du Maître ; mais il est curieux de les voir exposées cent ans avant Philon presque avec les mêmes expressions dans le Livre d’Enoch. Cet apocryphe, qu’on ne trouve ni dans la Bible chrétienne de saint Jérôme, ni dans le canon hébraïque de Jérusalem, est un écrit palestinien composé tout à la fin du iie siècle avant Jésus-Christ. Il ne pouvait pas être inconnu à Philon, car les doctrines qu’on y trouve sont celles qui régnaient de son temps dans deux sectes affiliées ; les Esséniens de Judée et les Thérapeutes d’Égypte, sectes qui partageaient les idées de Philon lui-même ; ce philosophe ne faisait que les reproduire, comme les premiers chrétiens, longtemps confondus avec les Esséniens, les reproduisirent à leur tour dans des conditions nouvelles.