les classes supérieures, leurs livres sacrés, et il était naturel qu’on élevât presqu’au niveau des Vêdas des ouvrages qui en popularisaient en partie les doctrines religieuses et philosophiques. Voilà pourquoi, dans les Purâṇas ainsi que dans le Mahâbhârata, la théorie des devoirs religieux et les légendes mythologiques tiennent une si grande place. C’est encore pour cela que dans quelques-uns de ces livres, et notamment dans celui que je publie, des fragments entiers des Vêdas se trouvent incorporés. Nous verrons tout à l’heure les raisons qu’on a de croire que des sectes plus ou moins
col. 1. Les Purâṇas ne sont pas la seule classe de livres que l’on ait cherché à rattacher au corps vénérable des écritures védiques. Kullûka Bhaṭṭa, le commentateur de Manu, cite un texte de Hârita, auteur d’un Dharmaçâstra, qui s’exprime ainsi : अथातो धर्मं व्याख्यास्यामाः श्रुतिप्रमाणको धर्मः श्रुतिश्च हिविधा वैदिकी तान्त्रिकी चा « Nous expliquerons ensuite ce que c’est que la loi. La loi a pour autorité la révélation : or il y a deux révélations ; l’une est celle des Vêdas, l’autre est celle des Tantras. » (Kullûka, sur Manu, liv. II, st. 1.) M. Wilson donne cette opinion comme étant celle de Kullûka lui-même ; mais l’ensemble du passage ne permet pas de douter qu’elle ne soit de Hârita, cité par Kullûka. On peut voir encore, dans le Mémoire de M. Wilson sur les sectes religieuses de l’Inde, un texte du Çivatantra dans lequel Çiva dit que les cinq corps des écritures sont sortis de ses cinq bouches (Asiat. Res. t. XVII, p. 216 et 217 ; conf. Taylor, Orient. Hist. manusc. t. 1, p. 66, 67 note, et 124), et un autre texte du Kulârṇava, qui nomme le Tantra un cinquième Vêda. (Ibid. p. 223, note.) Le passage de Hârita fait clairement voir dans quel sens il faut entendre de pareilles assertions. Cela veut dire que les sectateurs de ces livres les croyaient révélés, comme le sont les Vêdas, dont toutes les sectes peut-être, excepté celle des Bouddhistes, reconnaissent l’origine divine. Mais il ne faut pas conclure de ces assertions que Krĭchṇa Vêdavyâsa ait réellement fait, de la collection des traditions anciennes, un cinquième Vêda qu’il faudrait appeler, Purâṇavêda, comme on dit Rĭgvêda. Colebrooke, dont le coup d’oeil est toujours si sur, a remarqué que quand l’étude des écritures sacrées était plus générale dans l’Inde, on nommait les Brâhmanes qui s’y livraient Dvivêdin, Trivêdin, Tchaturvêdin, selon le nombre des Vêdas qu’ils avaient lus ; mais qu’il ne parait pas qu’aucune dénomination de ce genre ait été employée pour désigner un Brahmane connaissant les traditions et les légendes considérées comme formant un cinquième Vêda (Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, pag. 13, note), et qu’ainsi on ne trouve pas le titre de Pañtchavêdin. Cela est si vrai, qu’on nomme Pâurâṇika, le lecteur d’un ou de plusieurs Purâṇas. Le titre de Vêda se trouve également assigné au Mahâbhârata, dont Vâiçam̃pâyana nous donne cette définition curieuse : कार्ष्णं वेदं « le Vêda [œuvre] de Krĭchṇa. » (Mahâbhârata, st. 2300, t I, p. 84.)