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XXXV
PRÉFACE.

ces documents qu’il croit antiques, il les rattache à l’existence de ces chantres guerriers, sous l’invocation desquels la plupart des Purâṇas sont encore placés aujourd’hui. Il en fait le patrimoine poétique de la caste des Sûtas, écuyers et panégyristes des chefs militaires qu’ils servaient. Ce sont, selon M.  Wilson, les Sûtas qui ont réuni les premiers les anciens récits et les ont rassemblés dans des recueils, qui ont reçu le nom générique de Purâṇas ou Antiquités. De quelle manière maintenant s’est opérée la transformation de ces données primitives ? Comment les chants cosmogoniques et généalogiques ont-ils presque disparu étouffés sous une masse de récits d’un caractère purement légendaire ?

    ou moins de détails dans les seconds. Pour lui, les objets du culte (à l’exception du Liḡga) et les doctrines théologiques sont, dans ces deux corps d’ouvrages, précisément les mêmes, et il en tire cette conséquence, que les Purâṇas, au lieu d’être des compositions récentes et altérées (spurious), sont en fait d’une antiquité égale à celle des Vêdas, puisque les Vêdas seraient évidemment inintelligibles, sans les explications contenues dans les Purâṇas. (Ibid. p. 189.) Je n’ai en aucune manière la prétention de me porter juge entre deux opinions aussi imposantes que celles de MM.  Wilson et Kennedy, et je sais aussi bien que personne combien peu mon sentiment doit ajouter de poids à celui de M.  Wilson ; mais je ne saurais m’empêcher de dire que, du moins en ce qui touche le Brâhma Purâṇa, son opinion me parait incontestable. J’ai déjà dit plus haut que M.  Vans Kennedy avait eu raison de s’appuyer sur l’analogie que présentent les Purâṇas avec les Vêdas, pour prouver que les Purâṇas ne sont pas aussi modernes qu’on a voulu le faire croire, surtout depuis les recherches de Bentley. Mais je ne pense pas que l’on soit autorisé à conclure de cette analogie que les Purâṇas, absolument parlant et sans aucune distinction, soient aussi anciens que les Vêdas. Il y a, dans le style et dans le langage de ces deux classes de livres, des différences fondamentales, qu’effacent certainement les traductions partielles qu’on en a faites jusqu’ici, mais que ne doit pas méconnaître celui qui lit ces ouvrages dans la langue originale. J’en appelle sur ce point au témoignage de ceux qui ont comparé le premier livre du Rĭgvêda publié par Rosen, avec les fragments du Brahmavâivarta et du Mârkandêya Purâṇa donnés par MM.  Stenzler et Poley. Si, après la lecture de ces trois textes, on ne sent pas la distance qui sépare le premier des deux autres, autant pour le fond que pour la forme, il n’y a plus de critique littéraire possible, et il faut dire que l’épisode de Nisus et d’Euryale est écrit exactement dans le même style et dans la même langue que les fragments qui nous restent de la loi des Douze Tables.