Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/493

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de dévotion, et tout son corps frissonner de plaisir, il est inondé à plusieurs reprises par les larmes abondantes que la tendresse lui arrache ; et le lien même de son esprit [par lequel il retient Bhagavat], finit peu à peu par être tendu avec moins d’effort.

35. Quand, ainsi éloigné de tous les objets, le cœur ne connaît plus rien où se porter, et qu’il est détaché de tout, il disparaît aussitôt, semblable à la flamme qui s’éteint ; dans cet état, l’homme désormais à l’abri du courant des qualités, voit sous son regard même son esprit qui est unique et dont il ne se distingue plus.

36. Ainsi absorbé par cet anéantissement final du cœur au sein de la suprême majesté, l’homme, placé en dehors du plaisir et de la peine, rapporte l’origine de cette double imperfection à la Personnalité, à cette cause d’action qui n’existe réellement pas, parce qu’il a saisi dans son propre sein la substance de l’Esprit suprême.

37. Étant ainsi parvenu à reconnaître ce qui le constitue lui-même, le Siddha parfait ne fait plus aucune attention à son corps ; soit que, sous l’empire du Destin, ce corps vienne de se lever, et qu’il soit debout, soit qu’il ait quitté ou repris sa place, il ne le distingue pas plus qu’un homme aveuglé par les vapeurs d’une liqueur enivrante ne remarque l’état du vêtement qui enveloppe ses reins.

38. Le corps, cependant, agissant sous l’empire de la Destinée, continue de vivre avec les sens, tant que dure l’action qu’il a commencée ; mais l’homme qui, parvenu au terme de la contemplation, a reconnu la réalité, n’a plus de contact avec ce corps, qui, comme tout ce qui en dépend, n’est pour lui qu’un vain songe.

39. De même que l’homme se distingue de ses enfants et de ses richesses, quoiqu’il regarde ces biens comme un autre lui-même, ainsi l’Esprit se distingue du corps et des autres choses.

40. De même encore que le feu se distingue du tison qui brûle, ainsi que de l’étincelle ou de la fumée qu’il produit, quoique ces choses soient regardées comme faisant partie de sa nature,

41. Ainsi l’Esprit, ce spectateur interne, est distinct des éléments, des sens, de la Personnalité, comme Brahma l’est de l’âme individuelle, et Bhagavat de la Nature.