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CHAPITRE PREMIER.

ailleurs d’après une légende du Divya avadâna[1] ; malheureusement la partie de la légende où se trouvent ces Rĭddhipâdas n’est pas très-claire, et même elle-manque à un manuscrit du Divya avadâna que je dois à la libéralité de M. Hodgson. Le Vocabulaire pentaglotte buddhique donne de ces Rĭddhipâdas une énumération plus régulière, mais non encore plus intelligible, qu’il est bon de rapporter ici. Voici d’abord le texte du Divya avadâna : 1o  tchhanda samâdhi prahâṇâya sam̃skâra samârôpanatâ rĭddhipâdaḥ, 2o  tchittarddhipâdô, 3o  vîryarddhipâdô, 4o  mîmâmsâ samâdhi prahâṇa sam̃skâra samanvâgata rĭddhipâdaḥ[2]. Je passe maintenant à l’énumération du Vocabulaire pentaglotte, en l’interprétant partie par partie : 1o  tchhanda samâdhi prahâṇâ sam̃skâra samanvâgatô rîddhipâdaḥ, littéralement : « la portion de la puissance magique accompagnée de la conception du renoncement à la méditation du désir ; » 2o  tchitta samâdhi prahâṇa, et comme au no 1, pour la suite de la formule : « le renoncement à la méditation de l’esprit ; » 3o  vîrya samâdhi prahâṇa, et ainsi de suite : « le renoncement à la méditation de la force ; » 4o  mîmam̃sâ samâdhi prahâṇa, et ainsi de suite : « le renoncement à la méditation de tout exercice intellectuel[3]. » On voit que pour se faire une idée nette de ces quatre parties de la puissance magique, il faudrait un commentaire détaillé ; car l’inconvénient d’une traduction littérale comme celle qui se présente pour chacun de ces termes, est suffisamment sensible : une telle traduction ou force ou affaiblit la nuance des mots, qui dans ce genre d’expressions sont naturellement très-compréhensifs. Essayons cependant d’y voir un peu plus clair ; il va sans dire que mes explications ne devront conserver quelque valeur qu’autant qu’elles viendraient à s’accorder avec un texte donnant une interprétation authentique de ces quatre termes. Les mots fondamentaux de chaque formule sont le désir, l’esprit, la force et l’exercice de l’intelligence : ce sont ces mots qui différencient les quatre formules. Vient ensuite samâdhi prahâṇa, dont la traduction littérale, « le renoncement à la méditation, » ne présente pas une idée assez exacte. Ici samâdhi n’a probablement d’autre valeur que celle d’idée, ce qui permet de traduire les trois premiers termes de chaque formule de la manière suivante : « le renoncement à l’idée de désir, le renoncement à l’idée d’esprit, le renoncement à l’idée de force, le renoncement à l’idée d’exercice de l’intelligence. » Le mot sam̃skâra peut sans doute conserver sa signification ordinaire de conception, concept ; si cependant il était permis d’y substituer celle d’accomplissement, action, qui est parfaitement légitime, la formule y gagnerait en clarté. Je n’insiste pas sur samanvâgatô, qui signifie « accompagné de, doué de ; » mais dans le composé rĭddhipâda, le terme de pâda ne doit pas signifier fondement, comme je le croyais autrefois, mais bien « le quart, la quatrième partie. » Cette correction a quelque importance, en ce qu’elle nous présente chacune des quatre formules comme une portion intégrante, et numériquement comme le quart de cette faculté supérieure qu’on nomme rĭddhi. Ainsi pour nous résumer : « une portion de la puissance magique est accompagnée de l’exécution du renoncement à toute idée de désir ; une autre l’est de l’exécution du renoncement à toute idée d’esprit ; une troisième l’est de l’exécution

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 75, 625 et 626.
  2. Divya avadâna, f. 98 b, man. Soc. asiat.
  3. Vocabulaire pentaglotte, sect. xxvii.