Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
NOTES.

CHAPITRE II.

f. 18 b.Qui était doué de mémoire et de sagesse.] Cette traduction n’est pas parfaitement exacte, en ce qu’elle attribue la mémoire et la sagesse à Bhagavat, comme des qualités constitutives et permanentes, ce qui est vrai et n’a pas besoin d’être rappelé, tandis qu’elle n’indique pas le rapport de ces qualités avec l’état spécial de méditation d’où sort Bhagavat. Il faudrait donc dire : « Ensuite Bhagavat, avec sa mémoire et sa sagesse, sortit de sa méditation. » Peut-être même devrait-on donner à smrĭti le sens d’esprit, intelligence, et même esprit présent, et à pradjñâ celui de connaissance ou conscience, de façon qu’on traduirait, « ayant l’esprit présent, ayant toute sa connaissance. » C’est très-probablement une expression pareille que Csoma rend ainsi dans un curieux fragment emprunté aux livres tibétains : with a clear knowledge, recollection and selfconsciousness[1]. Mais I. J. Schmidt va probablement trop loin quand il traduit pratimukhîm̃ smrĭtim upasthâpya par « das Gedenken (die Meditation) offen darlegend[2], » tandis que cette expression doit signifier rappelant à lui sa mémoire ou son intelligence. » Au reste ces deux idées qui, chez les Buddhistes du Sud, sont représentées par les deux mots satô sampadjânô, peuvent avoir également la signification spéciale que je viens de supposer. En voici quelques exemples empruntés à deux ouvrages d’une certaine célébrité. Au commencement du Thûpa vam̃sa on lit : Adjdja Bhagavâ yamakasâlânam antarê dakkhiṇêna passêna satô sampadjânô sîhasêyyam upagatô. « Aujourd’hui Bhagavat s’est placé sur la couche du lion (c’est-à-dire, s’est couché comme fait le lion) sur le côté droit, entre deux arbres Sâlas, conservant sa mémoire et sa connaissance[3]. » De même dans le Djina alam̃kâra on lit : Tatô Bhagavâ gandhakûṭim̃ pavisitvâ satchê âkam̃khati dakkhiṇêna passêna satô sampadjânô muhuttam̃ sîhasêyyam̃ kappêti. « Alors Bhagavat étant entré dans la salle des parfums, s’il en a le désir, se couche à la manière du lion, sur le côté droit, conservant sa mémoire et sa connaissance[4]. » Je dis sa connaissance, parce que c’est le terme qui va le mieux : ici ; mais le participe sampadjâna prendrait fort bien le sens de conscience dans cette expression du Pâṭimôkkha, sampadjânamusâvâdô, « l’énoncé d’un mensonge dont on a conscience[5]. »

Ils sont en possession de lois étonnantes et merveilleuses.] L’expression dont se sert le texte

  1. Csoma, Origin of the Shâkya race, dans Journ. asiat. soc. of Bengal, t. II, p. 386.
  2. Vadjra tchtchhêdika, f. 3 a ; I. J. Schmidt, Ueber das Mahâyâna, dans Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 186.
  3. Thûpa vam̃sa, f. 9 b.
  4. Djina alam̃kâra, f. 27 b.
  5. Pâṭimôkkha, pâli et barman, man. Bibl. nation. Introd. f. 4 a ; p. 20 de ma copie. Il est vrai qu’ici sampadjâna n’est pas accompagné de sata.