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CHAPITRE II.

de dessus ne dépasse celle de dessous, mais que toutes deux se contiennent et se limitent mutuellement, ainsi pour le Buddha bienheureux, et l’objet à connaître et la science se contiennent mutuellement dans les mêmes limites[1]. »

Ces textes s’appliquent à la science d’un Buddha envisagée d’une manière générale. Si au contraire il faut la considérer d’une manière spéciale, on trouvera chez les Buddhistes du Nord deux catégories auxquelles le mot de science peut servir de titre. La première est celle des cinq sciences ou connaissances, qui forme la sixième section du Vocabulaire pentaglotte de la Bibliothèque nationale. Elle commence par âdarça djñânam, « la connaissance du miroir, » ou la connaissance qui est celle d’un miroir, que donne un miroir, et elle se termine par la connaissance dite dharma dhâtu djñânam, « la connaissance de l’élément de la loi, » pour dire de l’élément qui est la loi. La seconde catégorie est donnée par Hématchandra sur l’épithète de pañtchadjñâna, « celui qui a les cinq connaissances, » laquelle est un des titres d’un Buddha ; ces cinq connaissances sont celles des cinq skandkas ou agrégats, vidjñâna, l’intelligence ; vêdanâ, la perception ; sam̃djnâ la connaissance ; sam̃skâra, la conception ; rûpa, la forme[2]. Voici donc l’espèce d’incertitude qui subsiste encore sur la traduction que je propose pour le terme de l’original. Si l’on veut parler généralement de la science d’un Buddha, sans déterminer les modes et les degrés de cette science, on pourra dire, comme je l’ai fait, « la vue d’une science absolue et irrésistible. » Si au contraire on pense que le texte a entendu désigner les caractères de cette science, considérée dans les connaissances qu’elle embrasse, il faudra probablement traduire, « la vue absolue et irrésistible des [cinq] connaissances ; » mais ce dernier sens me paraît le moins probable.

Ce que je traduis par l’énergie est bala ; peut-être vaudrait-il mieux dire la force, ou encore la puissance, en réservant le mot d’énergie pour vîrya, terme qui fait partie d’une autre catégorie. Ainsi isolé, le mot bala n’a aucun caractère qui nous avertisse s’il doit être pris d’une manière générale, comme je l’ai fait, ou bien s’il résume en un seul mot, soit la catégorie des dix forces dont je donnerai ailleurs l’énumération[3], soit une autre catégorie de cinq forces que reproduit le Vocabulaire pentaglotte, et dont je parlerai plus bas. Nous nous trouvons donc ici dans la même incertitude qu’à l’égard du terme précédent. J’ai cru cependant devoir adopter le sens général, parce qu’on va rencontrer plus bas dans le texte le mot bala désignant, selon toute apparence, une catégorie spéciale, et placé auprès des sens, comme le donne ma traduction : c’est un point sur lequel je vais revenir tout à l’heure. Un autre fait me confirme dans cette idée, que bala est ici l’expression de la force ou de la puissance en général ; c’est que bala figure au nombre des dix pâramitâs ou des perfections les plus élevées que possède seul un Buddha, au moins d’après le Vocabulaire pentaglotte qui assigne à bala le neuvième rang. Il est juste de reconnaître que d’autres énumérations, celle du Lalita vistara en particulier, ont vîrya au lieu de bala[4] ; mais cela ne fait que confirmer davantage la signification générale que j’attribue à bala.

  1. Dharma pradîpikâ, f. 14 b et 15 a.
  2. Abhidhâna tchintâmaṇi, st. 233, p. 38 et 316, éd. Boehtlingk et Rieu.
  3. Appendice, no XI.
  4. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 45, note 3 ; Lalita vistara, f. 23 a du man. A.