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APPENDICE. — No V.

à cause de son rapport avec les matières qui forment le fonds de renseignement du Buddha. Je la ferai suivre d’autres stances morales relatives à la nécessité de la conversion et du changement de vie.

Nous connaissons déjà, par la discussion précédente, deux rédactions de la seconde stance, l’une en sanscrit, l’autre en pâli. La première nous vient de Csoma, qui avait proposé de la joindre à la stance relative aux causes de l’existence, et qui la lisait :

Sarvapâpasyâkaraṇam kuçalasyôpasampradam
Svatchittaparidamanam êtad Buddhânusâsanam̃
[1].

J’ai donné plus haut la traduction de cette stance d’après Csoma et Mill ; le tout n’offre aucune difficulté : il importe cependant de remarquer que le mot upasampadaḥ, que le docteur Mill substitue à upasampradam̃ de Csoma, n’est pas d’un sanscrit correct ; car il n’existe, à ma connaissance, en sanscrit, que le substantif féminin sampat, « avancement dans la vertu, achèvement heureux, » qui puisse convenir à la pensée qu’exprime le second pâda de cet anuchṭubh. Et il est si vrai que c’est ce terme qu’ont voulu employer les rédacteurs de la stance, que dans la version pâlie que nous en possédons, upasampadâ occupe la place de l’upasampadaḥ sanscrit. Or on sait qu’en pâli les mots sanscrits féminins terminés par une dentale comme sampat, parichat et autres, sont passés dans la déclinaison des thèmes en a, par l’addition du suffixe féminin â, et sont devenus sampadâ et parisâ. Il est facile de voir pourquoi il a fallu allonger d’une syllabe le mot sampat ; c’est qu’autrement le vers eût été trop court de cette syllabe manquante. On pourrait dire, il est vrai, que tout serait remis en ordre, si on lisait kuçalasyôpasampadâ, pour traduire les deux premiers vers ainsi : « La non-exécution de tout péché par l’accomplissement parfait de la vertu ; » mais je n’admettrais pas volontiers cette supposition, parce que le parallélisme visiblement cherché dans les trois premiers vers serait détruit. J’aime mieux supposer que la stance, composée de trois vers indiquant chacun une vertu, et terminée par un quatrième vers qui déclare que ces vertus forment l’enseignement du Buddha, a été primitivement rédigée dans un dialecte populaire, où il était permis de dire sampadâ au lieu de sampat ; et que quand on a voulu réciter cette stance en sanscrit, on a mieux aimé violer la langue que la mesure : car la mesure dans ces sortes de maximes qui sont bien longtemps répétées de mémoire avant d’être écrites, a certainement une importance supérieure à celle de la langue.

La rédaction pâlie a donc ici l’avantage de l’originalité sur la rédaction sanscrite ; cependant cette rédaction même, telle qu’on la tient de Ratnapâla, ou telle que je la trouve dans mon exemplaire du Dîgha nikâya, n’est pas encore tout à fait correcte. Ratnapâla, comme on l’a vu plus haut, la lit ainsi :

Sabbapâpassa akaraṇam̃ kusalassa upasampadâ
Satchittaparidamanam̃ êtam̃ buddhânusâsanam̃.

Les deux derniers pâdas sont les seuls réguliers ; les deux premiers au contraire ont une

  1. Journ. as. Soc. of Bengal, t. IV, p. 135 ; Analysis of the Dulva, dans Asiat. Res. t. XX, p. 79.