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Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/590

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APPENDICE. — No VII

conduit à la maturité complète d’un être qui a une fausse science, à lui faire abandonner les doctrines hétérodoxes, les préjugés, les ténèbres, l’obscurité, l’erreur et l’ignorance. » Le caractère véritable de cette vertu est aussi facile à comprendre que celui des cinq autres. La perfection de la sagesse occupe une place si considérable dans la partie spéculative du Buddhisme, qu’elle a donné son nom à une classe de livres très-célèbres chez les Buddhistes du Nord, mais inconnus, autant que je l’ai pu constater jusqu’ici, chez les Buddhistes de Ceylan. Il est bien naturel de voir la sagesse couronner les vertus dont on demande l’accomplissement héroïque à l’homme qui doit un jour arriver à la perfection d’un Buddha. En résumé, les six vertus transcendantes ou pâramitâs qu’indique, sans les nommer, le texte du Saddharmâ puṇḍarîka, et que le Lalita vistara énumère, en les accompagnant d’une courte explication, sont quatre qualités morales ou vertus, suivies de deux attributs intellectuels, savoir, la libéralité, la moralité, la patience, l’énergie, auxquelles viennent s’ajouter la contemplation et la sagesse.

Je dois maintenant dire quelques mots d’une autre énumération que j’ai annoncée au commencement de cette note. Elle se compose de dix termes, et paraît être en usage chez les Buddhistes de toutes les écoles ; car on la trouve indiquée au Népâl[1], chez les Chinois, les Tibétains, les Mongols et les Singhalais. Elle se rencontre à la fois dans le Vocabulaire pentaglotte buddhique, dans la Pradjñâ pâramitâ des Tibétains, dans un Mémoire de Schmidt rédigé d’après des matériaux mongols, dans le Mahâvam̃sa ṭîkâ de Mahânâma et dans le Dictionnaire singhalais de Clough ; j’ajoute qu’une des qualités que cette énumération joint à la liste des six perfections, reparaît dans le Lalita vistara, ce qui nous fournit et un terme de comparaison de plus, et un moyen utile d’interprétation.

Voici d’abord l’énumération du Vocabulaire pentaglotte : après la sixième perfection, qui est la pradjñâ, ou « la sagesse, » viennent upâya, « le moyen, » praṇidhâna, « la prière, » bala, « la force, » et djñâna, « la science[2]. » Nous examinerons de plus près tout à l’heure chacune de ces quatre perfections nouvelles ; auparavant il faut indiquer les autres autorités du Nord qui nous les font connaître. Cette énumération est également familière aux auteurs de la Pradjñâ pâramitâ, puisque Csoma de Cörös l’expose exactement dans les mêmes termes que le Vocabulaire pentaglotte. Csoma constate d’ailleurs l’existence de deux listes, l’une de six termes, c’est celle que nous venons d’analyser ; et l’autre de dix termes, formée de la précédente par l’addition de quatre autres vertus. Il les traduit ainsi, d’après les textes tibétains : upâya, « la méthode ou la manière ; » praṇidhâna, « le désir ou la prière ; » bala, « le courage, » et dhyâna (il faut lire djñâna), « la prescience ou la science[3]. » La disposition de la liste mongole est la même que celle des Tibétains ; ainsi Schmidt nous apprend qu’après la sagesse, qui termine la liste des six perfections, vient une septième perfection qu’il traduit ou plutôt qu’il commente ainsi : « la connaissance du développement de la nature ; » c’est l’upâya : puis une huitième, « la connaissance de la conséquence des actions ; » c’est le praṇidhâna : puis une neuvième, « la force ; »

  1. Hodgson, Quotations from origin. Author. dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. V, p. 92.
  2. Vocab. pentagl. sect. xii.
  3. Csoma, Analysis of the Sher-Chin, dans Asiat. Res. t. XX, p. 399 ; Journ. asiat. Soc. of Bengal t. I, p. 377.