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APPENDICE. — N° VIII.

qu’a faits l’artiste pour exprimer par la simplicité, et je dirais presque la nudité des lignes, le plus haut degré de quiétude où un homme puisse être absorbé. Le témoignage des représentations figurées est donc ici inférieur à celui des descriptions écrites, et il ne peut être adopté sûrement qu’en tant qu’il s’accorde avec ces descriptions-mêmes. Or ce qu’il y a de commun entre la description écrite et la représentation figurée, c’est l’indication d’un renflement de la partie supérieure de la tête ; ce qu’il y a de dissemblable, c’est que ce renflement appartient au crâne, selon l’interprétation tibétaine appuyée par le témoignage des représentations figurées, tandis que la valeur de l’expression originale sanscrite ne nous autorise à y voir qu’une disposition particulière de la coiffure. Ce dernier témoignage est à mon avis de beaucoup inférieur à celui que nous apportent l’interprétation tibétaine réunie à l’apparence que nous offrent les représentations figurées. Il ne peut donc exister qu’un seul moyen de concilier avec ces témoignages si parlants la signification classique du mot uchṇîcha ; c’est d’admettre que ce mot a reçu chez les Buddhistes une acception particulière, et que signifiant dans le principe une coiffure de tête, et selon toute apparence une coiffure destinée à garantir la tête contre les effets redoutables du soleil de l’Inde, il a fini par désigner, chez les Buddhistes, cette protubérance du crâne que leurs statues de Buddha représentent avec une exagération marquée. Du reste quelle que puisse être l’origine de la signification spéciale donnée ainsi à uchṇîcha, il est à peu près certain qu’elle appartient en propre au Buddhisme et qu’elle est déjà ancienne. Je propose donc de traduire le premier des signes caractéristiques d’un grand homme comme le font les Tibétains, et comme le veulent les monuments figurés : « Sa tête est couronnée par une protubérance [du crâne]. »

2. Bhinnnândjana mayûrakalâpâbhinîla vallita pradakchiṇâvarta kéçah ; V2 pradakchiṇyavattâkêçaḥ. Ce second caractère, tel qu’il est défini par le Lalita vistara, doit s’exprimer ainsi : « Ses cheveux qui tournent vers la droite sont bouclés, d’un noir foncé, et brillent « comme la queue du paon ou le collyre aux reflets variés. » Les Tibétains traduisent avec un peu plus de liberté, mais à peu près dans le même sens : « Sa chevelure brillante « de reflets azurés comme le cou des paons, tressée et nattée, est rassemblée à droite. » M. Foucaux a justement fait remarquer que les Tibétains avaient substitué le cou à la queue du paon que donne le texte[1]. J’ajouterai, quelque mince que paraisse au premier coup d’œil cette remarque, qu’en préférant le mot chevelure à celui de cheveux, on modifie ce caractère d’une manière essentielle. Si, en effet, il faut voir ici la masse de la chevelure tressée et nattée, qui serait rassemblée à droite, nous devrons nous représenter le Buddha portant sur la partie droite de la tête quelque marque de la présence de cette chevelure ainsi ramassée ; or cela ne se reconnaît sur aucune de ses images. Je montrerai plus bas, en traitant du 79e des caraçtères secondaires lequel est relatif aux cheveux bouclés, qu’il n’est pas permis de trouver ici des cheveux nattés, comme semblent le vouloir les Tibétains. Ensuite, il est également impossible que pradakchiṇâvarta signifie « rassemblé à droite ; » cette épithète signifie seulement « tourné vers la droite. »

  1. Sgya tch’er rol pa, t. II, p. 107.