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APPENDICE. — N° VIII.

faits sur lesquels s’appuyait W. Jones n’auraient pas tous été admis par les physiologistes[1]. Quant à moi, mon dessein n’est pas de m’aventurer à leur suite sur ce terrain difficile, et je m’en tiens jusqu’à présent à l’opinion de Pritchard que j’ai rappelée au commencement de ces recherches. C’est au lecteur compétent de décider s’il lui semble que la frisure des cheveux d’un Buddha soit la représentation idéalisée d’une chevelure africaine, ou seulement l’exagération d’une de ces chevelures bouclées comme celle que les poètes aiment à célébrer dans l’Indien Krichna, ou comme celle qui a fait donner au guerrier Ardjuna le nom de Gudâkêça, « celui dont les cheveux sont ramassés en boule[2].

Je n’examinerai pas davantage la question de savoir si lorsque des cheveux plats dans l’origine ont été arrachés, ils ne peuvent repousser qu’en formant de petites boucles semblables à celles que nous voyons sûr la tête des Buddhas. Cette explication qui s’est présentée à un voyageur embarrassé de l’apparence africaine de la chevelure de Çâkyamunî[3], ne me paraît pas ici parfaitement à sa place ; car aucun texte ne nous apprend que ce sage se soit jamais épilé la tête, comme on dit que le font les Djâinas. Les meilleures autorités, au contraire, nous montrent que quand il quitta le palais de son père pour entrer dans la vie religieuse, il se coupa la chevelure avec son glaive ; et elles désignent cette chevelure par le nom indien de tchûḍâ, qui signifie à proprement parler la mèche de cheveux qu’on laisse sur le vertex, au moment où se célèbre la cérémonie de la tonsure légale[4]. Comment concilier, dit Çâkya, cette mèche de cheveux avec l’état de Religieux mendiant ? C’est de cet événement que date la règle de discipline qui ordonne aux néophytes de couper leurs cheveux et leur barbe, quand ils veulent devenir Religieux. Nulle part, je le répète, il n’est dit ou que Çâkyamuni se soit jamais arraché les cheveux, ou qu’aucun de ses disciples se soit astreint à cette pratique. Il est vrai que la règle de la discipline, eu faisant au Religieux une injonction de la nécessité de se jaser la tête, donne lieu à une difficulté nouvelle, celle de savoir comment il se fait que Çâkyamuni ne soit pas représenté le crâne parfaitement nu, comme le sont ses principaux disciples, au moins sur les peintures népalaises. Je suis porté à croire que dans le principe les règles relatives à la chevelure ordonnaient seulement aux Religieux de ne pas la laisser pousser à la manière des laïques, et que l’usage de tenir constamment la tête rasée ne se sera introduit que peu à peu. Peut-être même a-t-on voulu, en le généralisant, effacer un des traits les plus apparents par lesquels pouvaient se distinguer entre eux les Religieux sortis de toutes les castes, des plus infimes comme des plus élevées, les uns ayant des cheveux rudes et mêlés, les autres portant la chevelure fine et lisse des Brahmanes. Ce qu’il y a de certain, c’est que, Çâkyamuni dut, pendant la durée de sa longue prédication, conserver des cheveux, puisque diverses légendes parlent de ceux qu’il distribua en présent à quelques dévots. Et il ne paraît pas que les Buddhistes de Ceylan soient embarrassés de la circonstance des cheveux bouclés qui paraissent sur les statues et les images peintes du Buddha ; car quand,

  1. Mél. asiat. t. I, p. 102.
  2. Voy. ci-dessous, le 79e des caractères secondaires. Sur la signification de Guḍâkêça, voy. Lassen, dans la Bhagavadgîtâ, p. 365, 2e édit.
  3. C. Mackenzie, dans Asiat. Res. t. IX, p. 249, éd. Calc. comp. avec Asiat. Res. t. VI, p. 452, éd. Lond. in-4o.
  4. Lalita vistara, f. 120 a de mon manuscrit A.