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APPENDICE. — N° IX.

le sens de ce terme : cet état d’être sans mélange est bien celui d’une personne qui reste indépendante des passions au mélange desquelles échappe sa nature. Enfin ce qui nous manque encore, c’est-à-dire l’indication précise des affections dont un Buddha reste indépendant, affections qui sont au nombre de dix-huit, nous est fourni par la glose d’un livre appartenant aux Buddhistes de Ceylan, chez lesquels le terme d’âvêṇika n’est pas moins fréquemment employé que chez ceux du Nord. Voici le passage relatif aux aṭṭhârasa âvêṇika dhammâ, « dix-huit conditions dites âvêṇika, » que je trouve dans la glose du Djina alam̃kâra : Atîtam̃sê Buddhassa Bhagavatô appatihatam̃ ñânam̃ anâgatam̃sê appat.ihatam̃ nânam̃ patchtchuppannamsê appâtihatam̃ ñânam̃ ; imêhi tîhi dhammêhi samannâgatassa Buddhassa Bhagavatô sabbam̃ kâyâkammam̃ ñânapubbag̃gamam̃ ñânuparivattam ; imêhi tchhahi dhammêhi samannâgatassa Buddhassa Bhagavatô natthi tchhandassa hâni natthi dhammadêsanâya hâni natthi viriyassa hâni natthi samâdhissa hâni natthi paññââya hâni natthi vimuttiyâ hâni ; imêhi dvâdasahi dhammêhi samannâgatassa Buddhassa Bhagavatô natthi davâ natthi ravâ natthi apphutam̃ naithi vêdâyitattam̃ natthi avyâvaṭamanô natthi appatisam̃khâna upêkhâti. Imê aṭṭârasa âvênikadhammâ nâma. Tattha davâti kitchtchhâdhippâyêna kiriyâ ravâti sahasâ kiriyâ apphutanti ñânêna aphassitam̃ vêdâyitattanti turitakiriyâ avyâvaṭamanôti niratthakô tchittasamudâtchârô appaṭisam̃khâna upêkhâti aññânupêkhâ natthîti. « La science du Buddha bienheureux est irrésistible, quant au passé, quant à l’avenir et quant au présent. En possession de ces trois conditions, le Buddha bienheureux n’accomplit à l’aide de son corps aucune action qui ne soit précédée par cette science, qui ne soit dirigée par cette science. En possession de ces six conditions, le Buddha bienheureux n’éprouve d’échec ni dans sa volonté, ni dans l’enseignement qu’il donne de la loi, ni dans sa force, ni dans sa méditation, ni dans sa sagesse, ni dans son affranchissement. En possession de ces douze conditions, le Buddha bienheureux n’a ni méchanceté, ni violence, ni ignorance, ni précipitation, ni mouvement d’esprit inutile, ni négligence par inattention. Ce sont là les dix-huit conditions nommées âvêṇika. Dans cette énumération, le mot davâ signifie une action faite dans une intention méchante ; ravâ, une action faite avec violence ; apphuta, ce qui n’a pas été touché par la science ; vêdâyitatta, une action faite précipitamment ; avyâvaṭamanô, une direction de pensée qui n’a pas de but ; appaṭisam̃khâna upêkhâ, la négligence de l’ignorance[1]. »

Deux points sont dignes de remarque dans cette énumération : le premier, c’est que les dix-huit termes dont elle se compose sont présentés sous une forme négative ; le second, c’est qu’ils se divisent en quatre groupes qui s’additionnent successivement pour former un total de dix-huit conditions ou qualités. Ainsi on commence par dire que la science du Buddha est irrésistible, appaṭihata, ce qui est le même attribut que celui de apratihata, qui se représente si souvent dans notre Lotus ; c’est d’ailleurs une opinion qui reparaît à chaque instant dans les textes[2]. Il est vrai que, pour ce qui touche les actions du Buddha, considérées dans leur rapport avec cette science irrésistible du passé, du présent et de l’avenir, le texte ne met pas le caractère négatif en relief, comme je l’ai fait dans ma traduction ; mais ce caractère revient dans le groupe suivant, où il est dit

  1. Djina alam̃kâra, f. 14 b.
  2. Voyez ci-dessus, p. 344, 345 et 390.