Page:Burnouf - Méthode pour étudier la langue grecque, 1836.djvu/16

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de départ, quoique l’autre système soit beaucoup plus philosophique ; et nous avons pu dire, sans inconvénient (§ 116), que ἔφυγον se forme de φεύγω, ἔλιπον de λείπω, en abrégeant la diphthongue, quoique la proposition inverse soit manifestement plus vraie. L’étude des radicaux n’en est pas moins de la plus grande importance ; et on n’a fait de véritables progrès dans la langue grecque, que lorsqu’on reconnaît au premier coup d’œil, dans toutes les formes d’un verbe, la syllabe radicale. En revanche, avec cette connaissance, on n’est plus arrêté ni par les dialectes, ni par les licences poétiques, puisque cette syllabe se retrouve dans toutes les modifications possibles du verbe, de ses composés et de ses dérivés. Et non seulement elle se retrouve partout ; mais elle porte dans tous les mots dont elle est la base, verbes, noms, adjectifs , adverbes, son énergie propre et sa signification primitive.

Si l’on était plus habitué à considérer les radicaux dans leur état absolu, nous aurions tiré τίθημι, ἵστημι, δίδωμι (§ 128), non de θέω, στάω, δόω, mais de θε, στα, δο. Car il ne faut pas croire qu’on ait dit θέω avant de dire τίθημι. La forme en μι est certainement la plus ancienne. Outre les verbes auxquels elle est propre, et qui, étant de l’usage le plus vulgaire, ont dû être fixés des premiers, on en trouve des traces dans les subjonctifs poétiques, ἵκωμι, ἀγάγωμι, ἔχῄσι (§ 229) ; dans le dialecte éolien, φίλημι, νίκημι (§ 142) ; dans l’optatif de la conjugaison ordinaire, λύοιμι. Le présent éolique du verbe être, ἐμ-μί, ἐσ-σί, ἐν-τί, la forme commune ἐστί, le dorique ἴσατι, scit (§ 149), ἐθέλῃτι, ἐθέλῃ (§ 229), prouvent que la terminaison était d’abord μι, σι, τι, ce qui répond parfaitement au moyen μαι, σαι, ται. Ceux qui connaissent les innombrables rapports du sanskrit avec le grec trouveront une nouvelle preuve de cette vérité, dans ce que mi, si, ti, et au moyen e (pour me) se, te, sont les terminaisons régulières de tous les verbes de cette langue antique. Or μ, σ, τ, sont les consonnes radicales des trois pronoms μοῦ, σοῦ, τοῦ[1]. Ces consonnes sont donc des affixes qui ajoutent à la racine verbale l’idée de première, seconde et troisième personne. L’ι sert uniquement à en soutenir la prononciation. Μι représente la première personne comme faisant l’action ; μαι, modification de μι, comme la recevant. Voilà l’origine des terminaisons. Ce ne furent d’abord que les pronoms mis à côté de la syllabe verbale. L’usage unit ensuite plus étroitement ces deux éléments. Le pronom s’altéra en devenant plus flexible, et il en résulta ces désinences personnelles que nous avons rangées en deux tableaux, § 73 et 85. On eut recours à d’autres signes pour exprimer les autres modifications. L’augment et le redoublement exprimèrent différentes

  1. L’article servait primitivement de pronom de la troisième personne, v. § 316. Nous citons les génitifs et non les nominatifs, parce que les radicaux se trouvent en général dans les cas indirects, v. § 180.