Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/251

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Ne sçauroit subsister sans un peu d’artifice :
L’enfant ailé t’avoit mis dans mes fers,
Aveugle garant de ta flamme !
Tes sermens, sur son aile, ont passé dans les airs,
Et l’affreux souvenir en reste dans mon âme.
Tu n’étois point bizarre et n’étois que jaloux ;
Tu le dis… toi, jaloux ! un jaloux est sincère,
Et ta fierté m’a toujours fait mystère
De ce qui put allumer ton courroux.
Ah ! plût au ciel que souvent ta tendresse
T’eût fait faire l’aveu de ce défaut heureux !
L’Amour auroit comblé nos vœux
En éternisant notre ivresse.
Nos cœurs étoient également épris :
Nos soupçons ont troublé cette union si rare.
Quand elle a disparu, l’on en connoit le prix ;
Mais la nature en est avare
Qui ? moi ? j’aurois rompu nos nœuds !
Ah ! tu sçavois trop bien me plaire !
Un vainqueur tel que toi n’est jamais malheureux
Quand il offre un amour sincère ;
Mais, être inconséquent, dissimulé, fougueux,
Il me falloit mourir ou devenir légère ;
Et le Ciel exauça mes vœux !
Tu me nommes cruelle et parles de tes laimes
Quand tu rampes sous d’autres lois !
Je dois me défier de tes perfides charmes ;
Quand on a su vaincre une fois,
On peut séduire avec les mêmes armes.
Quoi ! pour un infidèle oses-tu soupirer ?
Cœur lâche et que je désavoue ;
Peut-être à présent il te joue
Et ne voudroit que t’égarer.