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DES DAMES FRANÇAISES.


RÉPONSE DE M. DE VOLTAIRE.


Vous n’êtes point la Desforges-Maillard :
De l’Hélicon ce triste hermaphrodite
Passa pour femme, et ce fut son seul art ;
Dès qu’il fut homme, il perdit son mérite.
Vous n’êtes point, et je m’y connois bien,
Cette Corinne et jalouse et bizarre
Qui par ses vers, où l’on n’entendoit rien,
En déraison l’emportoit sur Pindare.
Sapho, plus sage, en vers doux et charmans
Chanta l’amour ; elle est votre modèle,
Vous possédez son esprit, ses talens ;
Chantez, aimez : Phaon sera fidèle.

Voilà, Madame, ce que je dirois si j’avois l’âge de vingt-un ans, mais j’en ai soixante-quatorze passés ; vous avez des beaux yeux sans doute ; cela ne peut être autrement, et j’ai presque perdu la vue ; vous avez le feu brillant de la jeunesse, et le mien n’est plus que de la cendre froide ; vous me ressuscitez, mais ce n’est que pour un moment, et le fait est que je suis mort.

C’est du fond de mon tombeau que je vous souhaite des jours aussi beaux que vos talents.

J’ai l’honneur d’être, etc.

DE VOLTAIRE.

A Ferney, pays de Gex, le 20 février 1768.