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DES DAMES FRANÇAISES.


Termine enfin ses maux et brise ton ouvrage :
Pour aimer et souffrir s’il sortit de tes mains,
Ah ! qu’il a bien rempli ses malheureux destins !

V

Hélas ! qu’à ma douleur lentement je succombe !
Je vois s’ouvrir sans cesse et se fermer ma tombe.
Le sommeil bienfaisant qui suspendait mes maux,
A mes maux dès long-tems refuse ses pavots.
Chaque instant sur mes yeux répand un jour plus sombre :
De moi-même bientôt je ne suis plus qu’une ombre.
Je vois à mon aspect la pitié qui frémit ;
On doute en me voyant, lorsque ma voix gémit,
Si c’est elle en effet, si c’est moi qui soupire,
Ou la douleur qui vit, qui parle et qui respire ;
Et je fatigue encor de mes tristes regrets
Le rivage du saule et l’ombre des forêts.
Un feu sombre et mourant m’anime et me dévore :
Telle en un lieu funèbre on voit errer encore
L’incertaine lueur d’un lugubre flambeau
Qui lentement pâlit et meurt sur un tombeau.
Avec effort déjà je cherche ma pensée ;
Je me surprends moi-même immobile et glacée,
Étouffant avec peine un sanglot douloureux :
J’ai perdu jusqu’aux pleurs, seul bien des malheureux.
Il est temps que sur moi la tombe se referme,
Et le comble des maux amène enfin leur terme.
Hélas ! il est donc vrai, je perdrai ma douleur :
Je sens que tout finit, oui, tout, jusqu’au malheur.
Empire de la mort, vaste et profond abîme,
Où tombent également l’innocence et le crime ;