Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/125

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lequel il rencontra Manicamp. Après quelque prélude de plaisanterie sur les bonnes fortunes du comte de Guiche en général : « Ma foi, mes pauvres amis, leur dit-il, vous êtes plus jeunes et plus gentils que moi, je l’avoue, et je ne vous disputerai jamais de maîtresse que je ne connoîtrai pas de plus longue main ; mais aussi il faut que vous me cédiez la comtesse et celles qui ont quelque engagement avec moi. La vanité que leur donne le grand nombre d’amans les peut obliger à vous laisser prendre quelques espérances. Il n’y en a guère qui rebutent d’abord les vœux des soupirans, mais tôt ou tard elles se remettent à la raison, et c’est alors que le nouveau venu passe mal son temps et que le galant dit, d’accord avec sa maîtresse : Serviteur à Messieurs de la sérénade. Vous m’avez promis, comte de Guiche, de ne me plus tourmenter auprès de la comtesse ; vous m’avez manqué de parole et fait une infidélité qui ne vous a servi de rien, car la comtesse m’a donné toutes les lettres que vous lui avez écrites. Je vous en montrerai les originaux quand vous voudrez ; cependant voici la copie de la dernière, que je vous ai apportée. » Et, disant cela, il tira une lettre du comte de Guiche, et, l’ayant lue : « Hé bien ! mes chers[1], leur dit-il, vous jouerez-vous une autre fois à moi ? »

Pendant que le chevalier parloit, le comte de Guiche et Manicamp se regardoient avec étonnement, ne pouvant comprendre que la comtesse les eût si méchamment trompés. Enfin, Manicamp, prenant la parole et s’adressant au comte : « Vous

  1. Le mot cher, ainsi employé, vient des Précieuses.