Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/130

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Cornuel alla chez madame d’Olonne, et l’ayant priée de faire dire à sa porte qu’elle étoit sortie : « Je suis trop votre amie, Madame, lui dit-elle, pour ne vous pas parler franchement de tout ce qui regarde votre conduite et réputation. Vous êtes belle, vous êtes jeune, vous avez de la qualité, du bien et de l’esprit, vous êtes fort aimée d’un honnête homme que vous aimez fort, tout cela vous devroit rendre heureuse ; cependant vous ne l’êtes pas, car vous savez ce que l’on dit de vous ; nous en avons quelquefois parlé ensemble, et, cela étant, vous seriez folle si vous n’étiez contente. Je n’entreprends pas de considérer vos fragilités ; je suis femme comme vous, et je sais par moi-même les besoins de notre sexe. Vos manières sont insupportables ; vous aimez les plaisirs, Madame, et j’y consens, mais c’est un ragoût pour vous que le bruit, et sur cela je vous condamne. Vous ne sauriez vous défaire de vos emportemens ? Est-il possible que vous ne soyez pas au desespoir quand vous entendez dire la réputation où vous êtes, et qu’on cache l’amour qu’on a pour vous par honte plutôt que par discrétion ? — Hé ! qu’y a-t-il de nouveau, ma chère ? Le monde recommence-t-il ses déchaînemens contre moi ? — Non, Madame, dit mademoiselle Cornuel, il ne fait que les continuer, parceque vous continuez toujours à lui donner de nouvelles matières. — Je ne sais donc ce qu’il faut faire, reprit madame d’Olonne ; toute la prudence qu’on peut avoir en amour je pensois l’avoir, et, depuis que je me mêle d’aimer, je n’ai jamais laissé traîner d’affaires, sachant bien d’ordinaire que le grand bruit ne se