Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/132

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nnête femme qu’on soit, on ne hait pas une personne qui nous dit qu’elle nous aime.

Mais on leur peut répondre qu’il y a des distinctions à faire. Si cet amant s’adresse à une femme qui veut être honnête pour elle-même ou pour un amant, j’avoue qu’elle ne pourra pas haïr un homme pour les sentimens qu’il aura pour elle ; mais cela n’empêchera pas qu’elle ne doive prendre garde à ne pas avoir plus de complaisance pour lui que pour un autre qui ne lui auroit jamais rien témoigné, de peur qu’elle n’entretienne par là ses espérances, et qu’enfin cela ne fasse du bruit et ne nuise à la réputation qu’elle veut conserver.

Si c’est une femme préoccupée à qui un homme témoigne de l’amour, elle aura les mêmes précautions que l’autre pour empêcher que cela ne continue ; mais, s’il est opiniâtre, je soutiens qu’elle le haïra autant qu’elle aimera son véritable amant, parcequ’il est naturel de haïr les ennemis de celui qu’on aime, parceque l’amour que l’on ne veut pas reconnaître importune, et parceque, l’amant bien traité pouvant soupçonner qu’une passion qui dure à son rival est pour le moins soutenue de quelques espérances, une honnête maîtresse regarde comme son ennemi mortel un rival qui la met au hasard de perdre son amant qu’elle aime plus que sa vie. Cela étant sans difficulté, il faut que vous sachiez encore qu’il y a plusieurs sortes de coquettes. Les unes trouvent de la gloire à se voir aimées de beaucoup de gens sans en avoir aimé aucun, et ne voient pas que ce sont les avances qu’elles font qui attirent le monde et qui les