Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/156

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qu’elle eût d’elle-même, elle me laissa voir tout ce que je voulus. Je vis un corps en bon point et le mieux proportionné du monde et un fort grand éclat de blancheur. Après cela, je recommençai à l’embrasser. Nous faisions déjà du bruit avec nos baisers ; déjà nos mains, entrelacées les unes dans les autres, exprimoient les dernières tendresses d’amour ; déjà le mélange de nos âmes avoit fait l’union de nos corps, quand elle s’aperçut du pauvre état où j’étois. Ce fut alors que, voyant que je continuois à l’outrager, elle ne songea plus qu’à la vengeance. Il n’y a point d’injures qu’elle ne me dît ; elle me fit les plus violentes menaces du monde. Pour moi, sans faire ni prières ni plaintes, parceque je sçavois ce que j’avois mérité, je sortis brusquement de chez elle et me retirai chez moi, où, m’étant mis au lit, je tournai toute ma colère contre la cause de mes malheurs.

D’un juste dépit tout plein,
Je pris un rasoir en main ;
Mais mon envie étoit vaine,
Puisque l’auteur de ma peine,
Que la peur avoit glacé,
Tout malotru, tout plissé,
Comme allant chercher son centre,
S’étoit sauvé dans mon ventre.

« Ne pouvant donc rien faire, voici à peu près comme la rage me fit parler : « Eh bien ! traître, qu’as-tu à dire, infâme partie de moi-même et véritablement honteuse, car on seroit bien ridicule de te donner un autre nom ? Dis-moi, t’ai-je jamais obligé à me traiter de la sorte et me faire