Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/162

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que lui. La princesse, n’étant pas satisfaite de voir tant de bonté au prince pour le comte de Guiche, résolut d’en parler à la reine, et, comme elle dit son dessein à quelqu’un, le maréchal

    très apparente qui ne déplaît jamais lorsqu’elle n’est point fade, et à des qualités secrètes qui plaisent encore plus. Tout se sait, grâce à la médisance ; on sut ce que Lauzun valoit, on le courtisa : il fut forcé d’être brusque, inconstant, et, avec cette brusquerie et cette inconstance, il ne contenta pas toutes les coquettes.

    Madame de Monaco, sa cousine, l’aima véritablement, ce qui ne l’empêcha pas de se donner au roi et au marquis de Villeroi ensuite. Lauzun ne recula pas, il se mit résolument en face de son maître ; une nuit il lui joua le tour (Choisy, Coll. Michaud, p. 631) de le laisser se morfondre sans succès dans un corridor. Quand il fut vaincu, il eut de la colère, il s’emporta. La Bastille se rouvrit. Nous ne citerons plus qu’un seul nom de femme, celui de madame Molière. Lauzun est l’un de ceux qui ont déchiré le cœur de notre grand poète.

    Mais voici le portrait de ce preneur de villes : « C’étoit un petit homme blond, bien fait dans sa taille, de physionomie haute et d’esprit, mais sans agrément dans le visage ; plein d’ambition, de caprice et de fantaisie ; envieux de tout, jamais content de rien, voulant toujours passer le but ; sans lettres, sans aucun ornement dans l’esprit ; naturellement chagrin, solitaire, sauvage ; fort noble dans toutes ses façons, méchant par nature, encore plus par jalousie ; toutefois bon ami quand il vouloit l’être, ce qui étoit rare ; volontiers ennemi, même des indifférents ; habile à saisir les défauts, à trouver et à donner des ridicules ; moqueur impitoyable, extrêmement et dangereusement brave, heureux courtisan ; selon l’occurrence, fier jusqu’à l’insolence et bas jusqu’au valetage ; et, pour le résumer en trois mots, le plus hardi, le plus adroit et le plus malin des hommes. »

    À cette touche, qui n’a pas reconnu Saint-Simon, ce merveilleux Saint-Simon (t. 10 de l’édit. Sautelet, p. 88) que les libraires d’aujourd’hui popularisent ? Saint-Simon dit simplement « un petit homme. » Bussy écrit (à Sévigné, 2 fév. 1689) : « C’est un des plus petits hommes pour l’esprit aussi bien que pour le corps ». En admettant que Bussy soit sévère pour