Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/232

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cuisants qu’il n’eut pas la force de se guérir de sa passion, comme La Rochefoucauld avoit fait de celle qu’il avoit eue pour madame de Longueville.

    le prince de Condé pendant qu’il faisoit la guerre tout de bon en Guienne, et que partout les armes du roi étoient victorieuses. Madame de Châtillon revint à Paris pleine d’espérances et de promesses ; et le cardinal, plus habile et plus fin que ses ennemis, tira de sa négociation un plus solide bien qu’il n’en auroit reçu alors de l’accommodement. »

    Madame de Châtillon (Montp., t. 5, p. 251) espéroit réellement qu’on lui paieroit son traité 100,000 écus (un million).

    Deux ans après (Mottev., t. 4, p. 36) elle fut accusée d’avoir voulu attaquer sa vie (celle du cardinal Mazarin) par d’autres armes que celles de ses yeux ; il y eut des hommes roués pour avoir été convaincus de ce dessein : il parut qu’elle y avoit eu quelque petite part, et l’heureuse destinée du cardinal le sauva de tous ces maux. L’intrigue a fait nommer cette dame en plusieurs occasions ; mais, comme sa gloire se trouveroit un peu flétrie par cette narration, je n’en parle point… Cette dame étoit belle, galante et ambitieuse, autant que hardie à entreprendre et à tout hasarder pour satisfaire ses passions…

    « Elle savoit obliger de bonne grâce et joindre au nom de Montmorency une civilité extrême qui l’auroit rendue digne d’une estime toute extraordinaire, si on avoit pu ne pas voir en toutes ses paroles, ses sentiments et ses actions, un caractère de déguisement et des façons affectées, qui déplaisent toujours aux personnes qui aiment la sincérité. »

    Mademoiselle (t. 3, p. 55), qui confond parfois les dates, parle aussi de toutes ces aventures. Elle étoit allée à Marlou comme une simple mortelle, en 1656, disent ses mémoires. « Rien n’étoit plus pompeux que madame de Châtillon ce jour-là : elle avoit un habit de taffetas aurore, bordé d’un cordonnet d’argent ; elle étoit plus blanche et plus incarnate que je l’aie jamais vue ; elle avoit force diamants aux oreilles, aux doigts et aux bras ; elle étoit dans une dernière magnificence. Qui voudroit conter toutes les aventures qui lui sont arrivées, on ne finiroit jamais : ce seroit un roman où il y auroit plusieurs héros de différentes manières. On disoit que M. le Prince étoit toujours amoureux d’elle, comme aussi le roi d’Angleterre, milord Digby, Anglois, et