Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/288

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embarrassée. Enfin le grand prévôt, prenant la parole : « Vous avez tort, dit-il, monsieur le maréchal : les braves hommes ne doivent jamais rompre en visière aux dames ; on leur doit sçavoir gré du présent qu’elles font de leur cœur ; il ne les faut pas offenser quand elles le refusent.—J’en conviens, dit le maréchal ; mais, leur cœur une fois donné, si elles changent après cela, il faut qu’elles aient de grands ménagemens pour ceux qu’elles ont aimés ; et quand elles font des railleries d’eux, elles s’exposent à de grands déplaisirs. Vous m’entendez bien, Madame, ajouta-t-il, se tournant vers la duchesse. Je suis assuré que vous croyez bien que j’ai raison ; mais vous me surprenez par votre embarras : vous devriez être faite à la fatigue depuis le temps que vous faites de méchants tours aux gens qui s’en vengent ; je vous avoue que je n’eusse pas cru que vous eussiez encore tant de honte que vous avez. » Et en achevant ce discours, il sortit et laissa la duchesse plus morte que vive. Le grand prévôt et sa femme essayèrent de la remettre, en disant que ce qu’avoit dit le maréchal n’avoit fait aucune impression sur leur esprit ; cependant, depuis ce jour-là, ils n’eurent pas grand commerce avec elle.

Quinze jours après, l’abbé fut obligé d’aller à la cour, qui étoit à Compiègne. La duchesse, qui prévoyoit le retour en France du prince de Condé par la paix générale, dont on parloit fort, et qui ne vouloit pas qu’il la trouvât dans un attachement si honteux pour elle, et qui d’ailleurs lui étoit fort à charge, résolut de le rompre de manière qu’il n’en restât aucun vestige. Dans ce dessein,