Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à une maison qu’il avoit près de Paris pour passer les fêtes de Pâques avec deux de ses amis,

    étoit de luy fournir des prétextes de ne pas faire du bien à ceux à qui il en devoit et de se venger de ses ennemis. Ils luy dirent donc la partie de Roissy, et qu’on y avoit fait mille choses contre le respect qu’on doit à Dieu et au roy.

    « Il avoit des raisons particulières de haïr, de craindre ou de se défier de tous ces messieurs ; pour moy, il eût été bien aise de me faire une querelle pour me faire perdre, ou du moins pour différer les récompenses qu’il me devoit. Tout cela fit résoudre le cardinal de se servir de cet avis aux occasions ; et, pour cacher le mal qu’il nous préparoit sous des apparences d’une justice fort exacte, il commença par exiler à Brisac Manciny, son neveu, et l’abbé le Camus à Meaux, et fit courir le bruit qu’il s’étoit fait à Roissy mille impietez, dont les dévots, disoit-il, avoient fait des plaintes à la reine.

    « Le peuple, qui grossit tout et qui fait bien plus de cas du merveilleux que du véritable, décida bientôt de ce qui s’étoit fait à Roissy. Il dit d’abord qu’on y avoit baptisé des grenouilles, et puis il revint à un cochon de lait ; d’autres, qui vouloient rafiner sur l’invention, disoient qu’on y avoit tué un homme et mangé de sa cuisse. Enfin, il n’y eut guère d’extravagance à imaginer qui ne fût dite. » (Mémoires de Bussy.)

    Pour contrôler Bussy, lisez madame de Motteville (t. 5, p. 6) : « La semaine sainte ensuivant, une troupe de jeunes gens de la cour allèrent à Roissy pour les jours saints, dont étoient le comte de Vivonne, gendre de madame de Mesmes, à qui appartenoit la maison ; Mancini, neveu du ministre ; Manicamp et quelques autres. Ils furent accusés d’avoir choisi ce temps-là par dérèglement d’esprit, pour faire quelques débauches, dont les moindres étoient d’avoir mangé de la viande le vendredi saint : car on les accusa d’avoir commis de certaines impiétés indignes non seulement de chrétiens, mais même d’hommes raisonnables. La reine, qui en fut avertie, en témoigna un grand ressentiment. Elle exila l’abbé le Camus pour avoir eu commerce seulement avec des gens si déréglés, quoiqu’il ne fût pas avec eux les jours que ces choses se passèrent. Le cardinal Mazarin, pour montrer qu’il ne vouloit pas protéger le crime, voulut punir tous les complices en la personne de son neveu, qu’il