Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/370

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le prétexte de madame de Précy ; mais la vérité fut que je donnai cette fête à madame de Monglas sans lui oser dire, et je crois qu’elle s’en douta sans m’en rien témoigner. Cependant je badinois avec elle devant le monde ; je lui disois toujours quelques douceurs en riant, et je lui fis ce couplet de sarabande, que vous avez ouï dire assurément :

De tout côté
On vous désire,
Mais quand vos yeux ôtent la liberté,
On veut aussi que votre âme soupire.
Sur votre cœur j’ai fait une entreprise,
Et ma franchise[1]
Ne tient à rien ;
Mais j’ai bien peur, adorable Bélise,
Que votre cœur soit plus dur que le mien.

Vous jugez bien qu’ayant ces sentimens pour madame de Monglas, mes soins pour madame de Précy étoient médiocres ; je vivois pourtant le mieux du monde avec elle, et mon peu d’empressement s’accordoit fort bien avec sa tiédeur. Cependant, lorsqu’elle commença à soupçonner que j’aimois madame de Monglas, elle se réchauffa pour moi et fut fâchée quand elle vit que je ne faisois pas de même pour elle. J’admirai là-dessus le caprice des dames : elles ont du chagrin de perdre un amant qu’elles ne veulent pas aimer. Mais avec tout cela ce que faisoit madame de Précy n’étoit pas si surprenant que ce que faisoit madame de l’Isle. J’avois parlé d’amour à la première,

  1. Mon indépendance.