Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/39

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quatre ou cinq mois sans fracas de part ni d’autre ; mais enfin la beauté de madame d’Olonne faisoit trop de bruit, et cette conquête promettoit trop de gloire en apparence à celui qui la feroit, pour que l’on laissât Beuvron en repos. Le duc de Candale, qui étoit l’homme de la cour le mieux fait, crut qu’il ne manquoit rien à sa réputation que d’être aimé de la plus belle femme du royaume ; il résolut donc à l’armée, trois mois après la campagne, d’être amoureux d’elle sitôt qu’il la verroit, et fit voir, par une grande passion qu’il eut ensuite pour elle, qu’elles ne sont pas toujours des coups du ciel et de la fortune.


Portrait de monsieur le duc de Candale.

Le duc de Candale avoit les yeux bleus, le nez bien fait, les traits irréguliers, la bouche grande et désagréable, mais de fort belles dents, les cheveux blonds dorés, en la plus grande quantité du monde ; sa taille étoit admirable ; il s’habilloit bien, et les plus propres tâchoient de l’imiter ; il avoit l’air d’un homme de grande qualité. Il tenoit un des premiers rangs en France : il étoit duc et pair, gouverneur de Bourgogne conjointement avec son père et seul gouverneur de l’Auvergne, et colonel général de l’infanterie françoise. Le génie en étoit médiocre ; mais, dans ses premiers amours, il étoit tombé entre les mains d’une dame qui avoit infiniment de l’esprit[1], et, comme ils s’étoient fort aimés, elle avoit pris tant de soin de le dresser, et lui de plaire à cette belle, que l’art

  1. Madame de Saint-Loup (V. Tallemant des Réaux).