Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et croyez que, puisque je vous aime si fort n’étant point aimé de vous, je vous adorerai quand vous m’aurez obligé à avoir de la reconnaissance.


Madame d’Olonne, ayant lu ce billet, y fit cette réponse :


BILLET.

S’il y a quelque chose qui vous empêche d’être cru quand vous parlez de votre amour, ce n’est pas qu’il importune, c’est que vous en parlez trop bien : d’ordinaire les grandes passions sont plus confuses, et il semble que vous écrivez comme un homme qui a bien de l’esprit, qui n’est point amoureux, et qui veut le faire croire. Et puisqu’il me semble ainsi à moi-même, qui meurs d’envie que vous disiez vrai, jugez ce qu’il sembleroit à des gens à qui votre passion seroit indifférente : ils n’hésiteroient pas à croire que vous voulez rire ; pour moi, qui ne veux jamais faire de jugemens téméraires, j’accepte le parti que vous m’offrez, et je veux bien juger par votre conduite des sentimens que vous avez pour moi.


Cette lettre, que les connoisseurs eussent trouvée fort douce, ne la parut pas trop au duc de Candale : comme il avoit beaucoup de vanité, il avoit attendu des douceurs moins enveloppées. Cela l’obligea à ne point tant presser madame d’Olonne qu’elle l’eût bien désiré ; il en faisoit sa bonne fortune en dépit d’elle-même, et la chose eût duré long-temps si cette belle n’eût gagné sur sa modestie de lui faire tant d’avances, qu