Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/74

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parler il entra des gens, et quelque temps après, étant sorti, il s’en alla trouver Marsillac, à qui ayant fait mille reproches de sa timidité, il lui fit promettre qu’avant la fin du jour il feroit une déclaration à sa maîtresse ; il lui dit même une partie des choses qu’il falloit qu’il dît, dont Marsillac ne se souvint pas un moment après ; et, l’ayant encouragé autant qu’il put, il le vit partir pour cette grande expédition.

Cependant Marsillac étoit en d’étranges inquiétudes. Tantôt il trouvoit que son carrosse alloit trop vite, tantôt il souhaitoit de ne pas trouver madame d’Olonne à son logis, ou de trouver quelqu’un avec elle ; enfin il craignoit les mêmes choses qu’un honnête homme eût désiré de tout son cœur. Cependant il fut assez malheureux pour rencontrer sa maîtresse et pour la trouver seule. Il l’aborda avec un visage si embarrassé que, si elle n’eût déjà su son amour par Sillery, elle l’eût découvert à le voir cette seule fois-là. Cet embarras lui servit à persuader, plus que tout ce qu’il eût pu dire et que l’éloquence de son ami ; et voilà pourquoi en amour les sots sont plus heureux que les habiles.

La première chose que fit Marsillac[1] après s’être

  1. Bussy n’a pas eu beaucoup à se louer d’avoir introduit dans sa galerie le duc de La Rochefoucauld et le prince de Marsillac, son fils. La rancune qu’ils lui en gardèrent ne s’attendrit en aucun temps, et l’on sait quel crédit gagna et garda sur le maître ce Marsillac, La Rochefoucauld à son tour, lorsqu’il fut devenu grand-maître de la garde-robe, et le canal le plus fréquent des grâces et des disgrâces. On a dit de lui que pendant trente-sept ans il assista quatre fois par jour aux changements d’habit du roi ; l’éloge est exagéré, mais il n’est pas sans fondement.