Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/100

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ces gens qui passoient leur vie à blâmer ce que les autres faisoient.


L’on ne peut vous blâmer des tendres mouvemens
Où l’on voit qu’aujourd’hui penchent vos sentimens ;
Et qu’il est mal aisé que sans être amoureux
Un jeune prince soit et grand et généreux !
C’est une qualité que j’aime en un monarque ;
La tendresse d’un roi est une belle marque,
Et je crois que d’un prince on doit tout présumer,
Dès qu’on voit que son cœur est capable d’aimer.

Le Roi rendit bien les éloges que madame de Montausier lui avoit donnés, et obligea le Duc à inspirer aussi sa Muse, qui lui dicta ceux-ci :


Oui, cette passion, de toutes la plus belle,
Traîne dans un esprit cent vertus après elle ;
Aux nobles actions elle pousse les cœurs,
Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs.

Madame de Montausier était trop spirituelle pour manquer une si belle occasion de faire sa cour au Roi, en lui faisant connoître que sa joie ne seroit pas parfaite si La Vallière ne voyoit cette petite conversation en vers. Le Roi lui en sut bon gré, et dit qu’il seroit bon de l’embarrasser, en lui envoyant par un inconnu, ce qu’ils firent, et voyez ce qu’elle ajouta ensuite :


Est-il rien de plus beau qu’une innocente flamme
Qu’un mérite charmant allume dans notre âme ?
Et seroit-ce un bonheur de respirer le jour,
Si d’entre les mortels on bannissoit l’amour ?
Non, non, tous les plaisirs se goûtent à le suivre,
Et vivre sans aimer, proprement, n’est pas vivre.

Le même qui porta les tablettes les rapporta,