Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/103

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croyez-moi, que trop aimable pour se faire bien aimer sans le secours des trônes ni des sceptres ; et plût au ciel, ai-je dit mille fois en moi-même, que mon cher prince fût sans fortune et sans autre bien que ceux que la vertu lui donne, et pouvoir passer ma vie avec lui dans une condition privée, éloignés de la cour et de la grandeur ! Mais mon amour ne m’a pas fait faire long-temps un souhait si injuste : je connois trop bien qu’aucun autre des mortels n’est digne de vous commander ; que le ciel ne pouvoit rien mettre au-dessus de vous sans injustice ; que des vertus aussi illustres que les vôtres ne doivent être entourées que de pourpre et de couronnes. — Quoique la modestie, répliqua le Roi, m’eût fait entendre toutes ces louanges avec confusion, j’avoue cependant que je vous ai écoutée avec un plaisir sans égal ; car, enfin, rien dans le monde n’est si doux que se voir estimé de ce que l’on aime ; et peut-on s’imaginer une plus grande satisfaction que celle-là ? » Mademoiselle de La Vallière réitéra encore que, quand elle ne seroit plus aimée du Roi, elle prendroit le parti de la retraite, en cas qu’il diminuât de sa tendresse pour elle ; et on ne peut s’imaginer avec quelle passion le Roi lui répondit [1].

Après que le Roi fut parti, La Vallière alla chez madame la Princesse [2], où il y avoit une bonne partie des dames de la cour et grand nombre

  1. Tout le passage qui suit, jusqu’à la fin, manque dans la copie de Conrart. Nous donnons à la suite de cette histoire le texte qui se trouve dans le manuscrit.
  2. Claire-Clémence de Maillé-Brezé, fille du maréchal de Brezé et de la sœur du cardinal de Richelieu.