Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/119

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de sa parente et de son amie [1] ; elle s’en plaignit à moi. Je vous avoue que dans mon âme je trouvai le caprice de cette dame plaisant, de trouver à redire qu’on n’avoit point dit mademoiselle de Tonnecharante ; mais comme j’avois gardé un dépit secret contre La Vallière de ce que le soir précédent le Roi l’avoit presque toujours entretenue, je lui en fis un si grand bruit, en la reprenant aigrement devant madame de Maure, en lui disant que je faisois grande différence d’elle avec toutes mes filles, et que je la trouvois fort entendue depuis quelque temps, qu’elle en pleura de rage et de chagrin. Ce qui l’outragea plus sensiblement, c’est qu’elle nous avoit entendu la railler avec mépris de sa prétendue passion pour le Roi, et, comme vous savez que madame de Maure décidoit souverainement de tout, elle la traita de fille qui à la fin aimeroit les héros des romans.

Nous n’avions pas encore décidé ce chapitre, que le Roi entra dans ma chambre. Je vous avoue, duchesse, que dans ce moment il me parut plus aimable que tout ce que j’ai jamais vu. Mais Dieu ! que cette aimable joie se dissipa bientôt, lorsqu’il aperçut La Vallière entrer par une autre porte, les yeux gros et rouges à force de pleurer ! Non je n’entreprendrai point de vous dire

  1. Voy. ci-dessus p. 100. — L’auteur lui prête ici une sorte de fierté fort susceptible que n’avoit point madame de Maure, si l’on en croit les portraits que nous ont laissés d’elle le marquis de Sourdis, dans le Recueil de portraits dédiés à Mademoiselle, et Mademoiselle elle-même dans son petit roman de la Princesse de Paphlagonie, où Madame de Maure paroît sous le nom de Reine de Misnie. Partout on s’accorde à louer sa bonté.